La terreur a
continué même lorsque deux ministres de l'opposition furent inclus dans le gouvernement. Ils voulaient imposer par la force le
communisme aux ouvriers des usines.
Pendant que le
général Radesco dénonçait devant le pays les méthodes barbares utilisées par
les communistes pour prendre le
pouvoir, des attaques contre l'opposition populaire avaient lieu partout dans le pays.
A Arad nous
assistons au déchaînement de la police et de tous les rebuts sociaux contre les ouvriers. Le 12 fév. 1945, le terroriste Nedici a
attaqué dans l'enceinte de l'usine «Textila» les travailleurs et les fonctionnaires national-paysans. Ils ont coupé
l'oreille droite au président du comité, Optimiu Nicoara, un ouvrier a été violemment battu et un soldat qui assurait
la garde de l'usine, et qui a essayé de protéger les victimes, est resté dans un lac de sang.
D'autres équipes
de terroristes ont attaqué le même jour les usines suivantes: Astra-Vagoane, les ateliers CFR (chemins de
fer), Moara mecanica, Polychrom, Textila-Teba, Tricitajul, Tutunul...
Devant toutes ces
attaques, le PNP a pris position et dans l'hebdomadaire «La Roumanie démocratique» a demandé le jugement des agresseurs, démasquant les
coupables hongrois de
Debretin qui collaboraient avec les fascistes.
Le 17 fév., les mêmes bandes de
terroristes menées par le même
Nedici, ont envahi l'immeuble du 5, rue Vasile Alecsandri et ont dévasté la
rédaction du journal du Parti National Paysan dirigé par Ion Teodoresco-Faget, après avoir battu le jeune qui
travaillait là. En même temps les équipes de choc du parti communiste confisquaient le journal «La Roumanie démocratique» de tous les
kiosques et frappaient tous
ceux qui le diffusaient dans les rues.
A cette occasion
ils ont battu le rédacteur en chef, Ion Teodoresco-Faget, le laissant immobile dans un lac de sang.
Les attaques ont continué
contre les ouvriers de l'entreprise «Textila» où les élèves des Lycées Industriels et Moise Nicoara se sont opposés aux
communistes. Cette fois-ci c'est le
sadique commissaire Nedici qui a été immobilisé, battu, déshabillé. La nuit-même, les personnes suivantes ont été arrêtées: Ion
Teodoresco, le travailleur
Alexandru Barbutza, Gheorghe Mujic, les professeurs Ceontea et Tataru, sous l'accusation d'avoir désuni les ouvriers, fait du terrorisme et du sabotage derrière le front et
avoir insulté l'armée soviétique.
L'avocat Ion Drinco, secrétaire du Parti National-Paysan et le vice-président du parti ont tous les deux été amenés à la police. Ils
se sont ensuite désolidarisés du journal et ont décidé de renoncer à sa parution.
Les cinq personnes citées plus haut, considérées coupables par les communistes, ont été
sanctionnées: les professeurs
Ciontea et Tataru envoyés dans les camps de concentration; I. Teodoresco-Faget, Mujic et Alexandru Barbutza ont pris le chemin de la
cour martiale pour être déférés en
justice à Timisoara. A Cluj, ont été
attaqués en même temps les locaux du journal «La Patrie», organe du Parti National-Paysan. Tous ceux trouvés sur place ont connu
les méthodes barbares et la
«démocratie» communiste.
***
A Bucarest,
l'imprimerie du 2, rue Val ter Maracineanu, où était tiré le journal «La Justice,» organe central du Parti National-Paysan, a connu
les ravages des communistes et les ouvriers n'avaient plus la permission d'y travailler. La même chose s'est passée avec le
journal «L'Avenir», organe du Parti
National-Libéral.
Les
Anglo-Américains abandonnèrent presque totalement les partis majoritaires et démocratiques qui
s'étaient constitués dans
les pays de l'Est: Roumanie, Pologne, Hongrie, Bulgarie.
Tchang-Kai-Chek,
le meilleur allié de la Grande-Bretagne, fut aussi sacrifié. La démocratie fut foulée aux pieds. Plus de 120 millions furent
abandonnés aux tyrans.
Les soviétiques
démontaient les usines partout et les transportaient chez eux, pendant que Molotov protestait parce que les entreprises non
détruites des zones américaines et britanniques étaient remises en marche.
Voilà donc la
réalité après Yalta: la trahison des principes de la Charte de l'Atlantique, l'esclavage
soviétique pour la moitié de
l'Europe.
Et à l'appui des
allégations vraies selon lesquelles l'Europe fut enchaînée par une dictature encore plus terrible que le nazisme, voici le sort
réservé en Pologne voisine à tous les personnages principaux du mouvement
clandestin qui résistèrent aux
Allemands:
En Pologne, début
mars 1945, en même temps qu'en Roumanie, Vichinsky imposait par la force un gouvernement communiste, les chefs de
la clandestinité polonaise furent
approchés par les officiers soviétiques du général Ivanov, pour discuter et participer à
l'organisation des forces
politiques PREVUES par la Déclaration de Yalta.
Ils ne rentrèrent plus. Après deux mois, le 5 mai 1945, l'agence Tass expliqua qu'ils
étaient coupables «d'avoir cherché à
créer des diversions sur l'arrière de
l'Armée rouge et qu'ils allaient
être jugés.»
Dans tous les pays
occupés par l'URSS la même atmosphère de terreur régnait.
Et si un Roumain
insinuait que la nation roumaine était devenue une minorité sur son propre sol, il allait être immédiatement mis au pas.
Si un homme
laissait entendre que les étrangers jouaient un rôle énorme dans le nouveau régime (imposé par les russes), en
détenant les postes les plus importants dans la police et l'administration, il était aussitôt
accusé de fascisme.
Sur les atteintes
graves à la liberté de la presse, atteintes perpétrées sous les yeux de la Commission de contrôle des Alliés, voici le témoignage de
Mihail Farcasanu, le rédacteur en chef du plus grand journal libéral:
«La presse était
soumise à la censure de la commission soviétique d'armistice et je m'efforçais de défendre les principes libéraux et m'opposer
aux décisions des communistes... Le
journal ,,Le Démocrate", également publié par le Parti Libéral, fut supprimé et son directeur
arrêté, car il avait exprimé sa
surprise devant le communiqué de guerre soviétique qui affirmait constamment la libération, par l'Armée rouge, des
provinces roumaines qui en réalité étaient déjà libérées par notre armée... Lorsque je publiais la traduction de
l'ouvrage de Hemingway ,,Pour qui sonne le glas", la presse communiste m'accusa de fascisme... Le 19 novembre 1944, je
présidais à Bucarest une réunion des
Jeunesses libérales, au cours de laquelle je critiquais l'attitude de la citoyenne soviétique
Ana Pauker, tête de liste du
Parti communiste roumain. C'était la première critique publique dirigée contre
elle, et, dès le lendemain, une
violente riposte était déclenchée dans la presse communiste. J'étais accusé d'être un agent de Goebbels, un ennemi du peuple et
des travailleurs, un adversaire de la
réforme agraire, un saboteur de la production nationale et des relations entre l'Union
soviétique et les Nations
Unies.» Cet exemple est typique
pour tous les pays «libérés» par l'Union soviétique avec le concours des Alliés. Cette situation se perpétue depuis 40 ans:
on n'a pas le droit de critiquer, on
est brutalement empêché de réclamer ses droits et celui qui ose le faire est vite taxé de «fasciste». Pendant ce temps des bandes
armées s'emparaient des usines et des
boutiques, en accusant leurs propriétaires d'être fascistes, terrorisaient les
chefs politiques non communistes et tous les adversaires.
Les prêtres qui
refusaient de servir le régime communiste athée étaient
également accusés de «fascistes».
La vérité est que
les roumains aimaient leur pays et avaient combattu pour la liberté et l'indépendance de la Roumanie.
Les accusations de
«fasciste» venaient de la part d'éléments déclassés du point de vue moral, éléments enrôlés au service de la dictature
communiste, par les soi-disant aviateurs politiques qui ne visaient que les profits matériels.
Pendant 40 ans,
plus d'un million de Roumains ont été arrêtés sous l'accusation de «fasciste», quoique furent socio-démocrates, libéraux,
national-paysans ou d'autres qui n'avaient pas d'appartenance politique.
Tous furent
suppliciés et exterminés, pour la plupart par de vrais fascistes.
Ce processus
terrible fut appliqué par l'URSS dans tous les pays libérés, non seulement en Roumanie. Et les méthodes de torture employées par les
communistes étaient les méthodes de type nazi.
Dans ses
«Mémoires» (tome VI, p. 75), Winston Churchill décrit la situation en Roumanie après Yalta:
...«Le jeune souverain, appuyé avec
sang froid par Visoianu, son
ministre des affaires étrangères, repoussa ces exigences jusqu'au lendemain. Vichinsky revint
alors et, balayant la demande
du roi qui voulait au moins être autorisé à consulter les chefs des divers partis politiques, frappa du poing sur la table, réclama
en hurlant un acquiescement
immédiat et sortit de la pièce en claquant la porte. Au même moment, des chefs
et des troupes soviétiques occupaient
les rues de la Capitale et le 6 mars 1945, un gouvernement, dont les membres avaient été
désignés par les Russes entra en
fonction. Je fus profondément troublé par ces nouvelles qui, nous n'allions pas tarder à le constater, nous donnaient un
avant-goût de ce qui nous attendait. Les Russes avaient imposé la domination d'une minorité communiste en recourant à
la force et au mensonge...
Cependant, nous
nous trouvions gênés pour protester du fait que Eden et moi, au cours de notre voyage à Moscou en octobre 1944, avions reconnu
une voix prépondérante à la Russie en
Roumanie et en Bulgarie, tandis que nous assumions la direction des opérations en Grèce. Staline avait très strictement respecté cet
accord au cours des six semaines de combats contre les communistes et l'E.L.A.S. à Athènes...
Or Staline suivit
désormais dans les deux pays balkaniques riverains de la Mer Noire une ligne de conduite diamétralement opposée et en
contradiction absolue avec toutes les idées démocratiques. Il avait souscrit sur le papier, aux principes énoncés à Yalta,
et les foulait alors aux pieds en ROUMANIE.»
Le 13 mars 1945,
le même Churchill a écrit à Roosevelt une lettre, en disant entre autres: «Je ne désire pas étaler au grand jour une divergence
de vues entre le gouvernement de
Grande-Bretagne et celui des Etats-Unis, mais je me trouverais très certainement dans la nécessité de bien préciser que nous nous
trouvons en présence d'un immense échec, d'un écroulement complet de ce qui avait été convenu à Yalta, mais que nous
autres Britanniques ne possédons pas
la force voulue pour pousser la chose plus loin, que nous avions atteint la limite de nos possibilités d'action.» (W. Churchill, La
seconde guerre mondiale, tome VI, vol. 2, pag. 94).
Le fait que l'URSS a changé
d'attitude après Yalta, fut remarqué par bien d'autres encore. Dans son premier rapport adressé à Henry Truman, le
nouveau président des Etats-Unis,
Edward Staetinius écrivait:
«Depuis la
Conférence de Yalta, le gouvernement soviétique a adopté une attitude rigide et intransigeante sur presque tous les problèmes de
conséquences qui ont surgi dans nos
relations.»
Par «respect pour
la loyauté commune sur les champs de bataille», les Russes auraient dû remettre à plus tard le déclenchement de la vague
communiste en Roumanie:
—des
manifestations massives devaient être montées et si possible dégénérer en échauffourées afin de
faire des morts et des blessés;
—le premier
ministre Nicolae Radesco était présenté comme un ennemi de la Russie, un incapable, un fasciste, un boucher...
—les raids dirigés par les communistes
étaient appelés «démonstrations populaires»
et les efforts pour maintenir
l'ordre devenaient des «violences fascistes»;
—les communistes
fomentaient les troubles et reprochaient à Radesco de les tolérer;
—le désordre
s'étendit suivant un plan soigneusement arrêté;
—les chefs
communistes, spécialement entraînés en U.R.S.S. firent agir la police, qu'ils contrôlaient entièrement;
—les nouveaux
maires, nommés par les communistes avec l'aide russe, faisaient régner la terreur dans les villages ;
—par la terreur
et la violence, les commandos de choc communistes supprimèrent chez les ouvriers toutes les organisations
non-communistes.
Au début de
l'année 1945, la Yougoslavie a essayé de promouvoir une politique d'annexions accentuant le chauvinisme parmi les roumains d'origine serbe.
Tito est présenté comme le
chef des pays balkaniques vers qui se dirige les espoirs des slaves y compris dans cette région. La propagande devient plus
active dans le Banat roumain , où devait avoir lieu le congrès des serbes anti-fascistes, après qu'une
délégation s'est rendue au mois de mars à Novi-Sad pour discuter l'annexion du Banat roumain, en soulignant des faits irréels, comme que
la population est terrorisée
et que les gens sont agités. Dans ce sens on est passé à rédiger des listes de citoyens roumains d'origine serbe et de leurs biens
matériels. Bien que le congrès ait été interdit, la propagande a continué. Dans
cette période-là, les
russes ont commencé à déporter aux travaux forcés en Union Soviétique des milliers de citoyens roumains d'origine allemande, la
plupart étant exterminés dans ces camps de travail. A la fin de l'année 1946, une autre délégation de Banat s'est
rendue de nouveau à Belgrad, où le ministre des Affaires Extérieures de Yougoslavie, Velebit, les a assuré que le
sud du Banat tout au long du Danube, connu sous le nom de Clisura, serait annexé par la Yougoslavie. La
Yougoslavie a oublié qu'en 1940, la Roumanie a rejeté la proposition de Hitler d'annexion du Banat serbe où se trouvait
une forte minorité roumaine.
Dans la nuit du 5
mars 1945, les russes, poursuivant leur politique d'intimidation, ont exibé à nouveau les tanks et l'armée dans les rues de la
capitale pour impressionner la population et surtout le roi.
Le régiment de garde à
Cotroceni fut désarmé par les occupants. J'ai vu dans les rues des officiers qui pleuraient. Les russes étaient parfaitement
indifférents au fait qu'à cette date les roumains étaient engagés dans la guerre pour libérer la Hongrie et la
Tchécoslovaquie et sacrifiaient leur vie dans l'espoir d'avoir le droit à l'indépendance du pays.
Dans ces moments si difficiles que
traversait notre pays, la
solidarité aurait pu être une arme efficace pour lutter contre l'ennemi, mais au lieu de cela et
comme comble de malheur, il y a
eu des traîtres qui ont aidé à saper les fondements de notre nation. étrangères et reçu quelques autres porte-feuilles ministériels pour ses acolytes.
Dans son bureau,
Calea Victoriei, il avait accroché le portrait du roi pour donner le change. J'ai entendu pas mal de gens dire dans leur naïveté:
«C'est un vrai roumain et il n'a pas
peur de garder la photo du roi à côté de lui»!
Le début fut
difficile: «Si Tataresco marche, nous sommes avec lui, il sait ce qu'il fait, il est couvert!» disaient certains qui voulaient
parvenir. Et ils ont commencé à s'aligner comme au temps du FRN, M. Ralea, M. Ghelmegeanu et Octav Livezeanu, ainsi que pour ne pas
être en reste le Dr. Lupu, Anton
Alexandresco, Alexandrini et D.R. Ioanitesco.
Teohari Georgesco
jubilait. Dans le deuxième gouvernement Sanatesco il n'avait joué
aucun rôle, n'ayant pas les attributions d'un sous-secrétaire d'état, étant démis de ses fonctions ensuite par le
général Radesco. Maintenant il devenait Ministre de l'Intérieur, à pleins pouvoirs.
Il choisit comme
compagnons de route MM. Jianu et Geamanu.
Les femmes aussi
commençaient à se mêler de politique, à acquérir des droits: Florica
Mezincesco, Ana Pau-ker, Elena
Livezeanu, Florica Bagdasar etc.
Au Ministère de
l'Intérieur l'épuration des cadres commença. Les jeunes gens faisaient leur entrée dans la branche pour approfondir les secrets
du métier. A leur tête figuraient
Bulz, Fanica Nicolesco, Courelea, etc.
Et pour avoir du
matériau humain sous la main comme sujets d'expériences, ils firent arrêter vers le 15 mars, un groupe de jeunes gens pour la plupart
étudiants, suspectés d'avoir porté
des secours aux allemands qui s'étaient cachés.
Parmi ceux qu'on avait
arrêté il y avait aussi une collègue de la Faculté de Lettres, Doralina Simian. Me rendant un jour d'audience au Ministère
de l'Intérieur avant le 1er avril 1945, je me suis rendu compte que le sous-sol était entièrement occupé par des
gens qu'on avait arrêtés.
Un autre leader politique, Petru
Groza qui avait fait quelques heures de prison pour sa fidélité à Moscou qui
lui avait confié de l'argent
à transmettre aux quelques communistes de l'époque, avait acquis parallèlement des richesses considérables grâce aux dispositions
antisémites prises par le régime
dictatorial. En ce moment, Groza cherchait à réorganiser son «parti» avec des jeunes cadres.
Parmi les jeunes
il trouva Gh. Matei, mon collègue de la Faculté de Lettres, qui cherchait à son tour des adeptes. Un soir, il est venu me
chercher à la Faculté pour m'emmener au jardin du Cismigiu où, pendant deux heures, il n'a pas cessé de me parler des
avantages et bénéfices que j'en
retirerais en allant voir Groza. Je pourrais m'occuper de l'organisation des
étudiants, j'aurais une place sûre, une voiture à ma disposition, des perspectives d'entrer au parlement.
J'ai refusé, je
ne m'intéressais pas à la politique pour avoir des avantages, mais pour des principes. Le salut de la nation était en jeu.
Lui, il a choisi
les avantages: en 1946 il est au parlement, en 1948 il est le conférencier de Roller, ensuite directeur adjoint à
l'Institut d'Histoire du Parti Communiste.
Environ un mois
après l'instauration du régime, à 5 h du matin le téléphone me réveilla et une voix me dit qu'il fallait que je parte tout
de suite, car Bulz devait venir pour m'arrêter. Je n'ai pas reconnu la voix et je n'ai jamais su qui avait téléphoné.
Je n'ai pas
demandé mon reste. J'ai quitté sur le champs le Foyer Stirbey Voda, pour aller trouver refuge chez un ancien ami,
près de la Place Romana, à qui j'ai raconté ce qui venait de m'arriver. Il a eu peur. C'est chez lui que j'ai trouvé abri plus d'une
fois.
Après mon départ
de Stirbey-Voda, Bulz est venu au foyer avec trois voitures, mais il n'a plus trouvé qu'un lit défait.
Quelques jours après, un
ami m'a apporté les quelques
Gh. Tataresco, un homme sans
scrupules, politiquement compromis,
qui avait soutenu l'instauration de la dictature dans notre pays, pactisait maintenant avec les russes. Il voulait faire croire à
son entourage que c'était lui qui avait sauvé la monarchie en aidant la démocratie pour que ceux qui étaient passés du côté
de Moscou, n'en fassent qu'à leur tête. Il était présenté par ses adulateurs dans l'espoir d'une récompense, comme l'unique
garant de la propriété individuelle, de la couronne et de l'indépendance. Il
fut nommé vice-président de conseil, ministre
des affaires qui me restaient et à partir de cette
date mon nom n'a jamais plus figuré officiellement sur la liste des foyers.
Pour créer une
certaine ambiance et une sympathie envers le nouveau gouvernement, les russes annoncent peu de temps après sa formation, le 9 mars, que la
Transylvanie nous sera rétrocédée. On cherchait à gagner pour le gouvernement Petru Groza une certaine
popularité, au moins dans cette
région du pays. Il y eut dans ce but une grande manifestation à Cluj où, dans un cadre solennel, les russes eurent «ce grand geste»,
alors que c'était bien eux qui, au mois
d'octobre nous avaient repris la Transylvanie pour qu'elle
devienne la pomme
de la discorde.
Le 23 mars, on a
joué une autre comédie aux paysans: la loi de la réforme agraire a été promulguée. On a claironné partout que les paysans
allaient devenir propriétaires terriens... et leurs frères, les ouvriers des villes, viendraient pour réparer leurs ustensiles. Bien
entendu, tout cela n'était que de la
propagande, car on n'a jamais rien réparé.
Les paysans ont
commencé à se disputer entre eux pour un lopin de terre, disant qu'on avait avantagé les uns au détriment des autres... et la
zizanie s'installa.
Mais c'est encore
le parti qui dans sa grande «sagesse» sut les calmer: après trois années, la collectivisation fut annoncée et non seulement ils furent
dépossédés de leur lopin de terre,
mais on leur prit aussi ce qui leur appartenaient avant, dont l'inventaire agricole: la
charrue, le char à bœufs, leur
laissant tout juste le droit d'aller les regarder à la «colectiva».
Avec cette
réforme, on a supprimé des fermes bien organisées. La production agricole a fini par baisser, et la famine fit son apparition en
Moldavie.
La population d'origine allemande a été
littéralement pillée. On leur a
tout pris. Leurs belles propriétés sont tombées entre les mains des gens qui formaient la lie
de la société et qui les ont
vite ruiné, pendant que les allemands furent envoyés en Russie, aux travaux forcés. Plus de 100.000
femmes, personnes âgées, enfants, ont dû subir
le calvaire.
Le 30 mars, pour
créer un climat d'insécurité et de peur, une nouvelle loi en ce qui concernait les épurations menaçait chaque fonctionnaire.
Personne ne se sentait plus en sécurité dans la place qu'il occupait. N'importe qui pouvait être
remplacé du jour au lendemain, selon le bon
plaisir du parti.
Le temps des
vengeances allait commencer. Les subalternes se découvraient des dons et convictions tout à fait démocratiques pour démasquer,
étant récompensés pour leurs
services par le changement des chefs. Bien entendu, celui-ci ne pouvait pas se défendre, étant
donné qu'il était accusé
d'être l'ennemi du peuple, traité de fasciste et d'agent de l'impérialisme.
L'inamovibilité
de la magistrature appartenait maintenant au
passé. La justice du peuple
créait une autre optique d'après laquelle
il fallait se guider dorénavant. Les rares magistrats qui exerçaient
encore, étaient doublés chacun par deux assesseurs du peuple. Les décisions étaient prises à la «majorité» après avoir
écouté le raisonnement «sage» de
l'assesseur, lequel parfois était obligé de suivre des cours
d'alphabétisation en vue d'élever son niveau. Quant à
l'armée, les officiers «qui ne se rendaient pas à
l'évidence qu'il fallait défendre les intérêts du peuple», étaient épurés, déférés aux tribunaux pour
crimes de guerre ou bien doublés par des E.C.P. fraîchement arrivés de l'Est et bien éclairés. Pendant
leur séjour là-bas, Ana Pauker avait fait le nécessaire pour les instruire. Ils reçurent des grades
d'après leurs mérites physiques et la haine déclarée qu'ils manifestaient aux autres. Ainsi sont nés
les deux divisions «Tudor
Vladimiresco» et «Horia Closca si Crisan». Les généraux qui avaient lutté à l'Ouest furent
arrêtés et déclarés criminels
de guerre à l'Est.
Des politiciens sans
scrupules, des soi-disant «aviateurs politiques» qui n'étaient pas sans tâches, redécouvraient tout à coup leurs sentiments
d'amitié pour l'armée libératrice
et le nouvel ordre dont ils avaient toujours rêvé et qu'ils
avaient cherché à travers tous les partis et spécialement les partis totalitaires.
Au mois d'avril,
un accord économique fut signé avec l'URSS en créant les SOVROM, des sociétés mixtes roumaino - russes.
Un pipe-line fut construit qui menait à Reni.
Des déboisements
massifs furent effectués. Tout cela a pris le chemin de la Russie.
L'uranium,
exploité pas les russes dans le Banat à Cindanovitza et à Baitza dans les monts Apuseni, au nom de la société Quartit, s'écoulait
dans des bidons de protection via Sighet dans le sac sans fond de la Russie.
La situation de la Transylvanie du
Nord était restée trouble malgré le geste des russes d'offrir au gouvernement de Petru Groza cette région de notre
terre qui a vu naître et grandir les
espoirs légitimes du peuple roumain. Les Hongrois faisaient ce que leur plaisait, parce que l'administration était entre leurs mains
et qu 'ils n 'acceptaient pas de céder. Du jour au lendemain, ils sont devenus communistes et dès lors c'est en tant
que camarades qu'ils voulaient diriger, mais en gardant les avantages pour eux. Dès la tombée de la nuit, les
roumains n'osaient plus s'aventurer
dans les rues. Il n'y avait pas de nuit où dans les villes et les villages les roumains ne
soient fusillés en pleine rue. Les
Hongrois étaient armés et animés d'un esprit de vengeance. Il voulaient à tout prix s'emparer de ce territoire.
Le 15 mai 1945,
les roumains ont dépêché une formation militaire à Oradea, d'environ 15
personnes, pour prendre possession des casernes et les aménager en vue de la
réception des troupes qui devaient arriver du front de l'Ouest.
Une fois là bas,
un adjudant moustachu a attiré l'attention du sous-lieutenant, en lui signifiant qu'il avait eu tort de venir.
—Comment aurions-nous pu ne pas
venir, puisque la terre est
roumaine, ayant une administration roumaine, et qu'il faut recevoir nos frères qui nous ont libéré en même temps que vous, les hongrois? a
répondu le sous-lieutenant S.I.
Les soldats ont
été avertis de ne pas circuler dans les rues la nuit et pendant la journée de s'arranger pour être à deux en cas d'attaque. Par
ailleurs, le même adjudant hongrois leur a conseillé de ne pas fréquenter les bistrots ni courir les femmes, car personne
ne répondrait de leur
vie.
Les roumains
parlaient leur langue, mais on leur répondait toujours la même chose «nemtudom romanul» (ce qui veut dire en hongrois: je ne sais
pas le roumain). On les détestait à mort. La veuve d'un prêtre tué par les hongrois, disait en pleurant qu'elle avait
peur de parler roumain: «Vous, vous êtes venus pour nous libérer, mais vous ne pouvez pas savoir quelle a été notre
souffrance!
On a du apprendre
leur langue, car dès qu'on ouvrait la bouche pour demander quoi que ce soit, la réponse était: allez le demander en Roumanie, ici nous
sommes en Hongrie, et les coups accompagnaient leurs paroles.
Je suis terrifiée à
l'idée de ce qui pourrait m'arriver si on venait à savoir que j'ai parlé roumain avec vous». C'est dans cette atmosphère que se
préparait le retour des troupes
roumaines qui étaient au front, ainsi que de la Transylvanie du Nord, qui nous avait été promise.
On a cherché un local pour
cette occasion mais sans résultat. C'est avec beaucoup de peine qu'on a réussi finalement à dénicher une salle, mais seulement
pour deux heures, pour fêter
l'événement. On pouvait donc disposer de la salle du théâtre à Oradea entre 17-19 h, après quoi à
19h.3O le spectacle hongrois
devait commencer. On a pu improviser un petit programme.
Les troupes sont arrivées avec le
général Haupt Mircea et sont
entrées dans la salle. Étonné de voir les gens si timorés, le général en a demandé la cause. Le
sous-lieutenant lui a relaté
toutes les difficultés et les misères que les roumains avaient dû endurer pendant cette période. Le général s'est mis en colère,
mais il a dû se rendre à l'évidence de constater par lui-même quelle ambiance y régnait à deux mois seulement du retour de la
Transylvanie du Nord à la mère
patrie.
A partir de 18 h,
la place du théâtre s'était remplie de monde pour demander l'évacuation de la salle, pour le spectacle qui devait commencer à 19h30. C'était
une provocation de la part
des hongrois, un défi effronté, parce que la foule était beaucoup plus nombreuse qu'il y avait de places dans la salle.
Vers 18h30, au
beau milieu du spectacle, le rideau tomba pour annoncer la fin. Demandant ce qui se passait le général fut informé qu'on
demandait l'interruption du programme et l'évacuation de la salle. Le général donna des dispositions pour continuer le
programme et ordonna de suspendre le
spectacle hongrois. Il plaça dans les coulisses des soldats roumains pour empêcher d'éteindre
les lumières ou d'autres actes de sabotages.
C'est de cette
façon qu'on a fêté, si on peut appeler cela fête, le retour victorieux des
troupes roumaines qui ont participé à
la libération de la Roumanie et de la Hongrie.
Le lendemain, la
ville d'Oradea fut pourvue de deux régiments pour aider l'instauration de l'administration roumaine, pour mettre de l'ordre et
pour assurer l'acheminement vers la patrie des armées de l'Ouest.
Le gouvernement
Groza a construit deux camps: Caracal et Slobozia, où il a commencé par interner ses adversaires.
Etant donné que «l'Association des
jeunes amis des anglo-américains»
avait gagné des adhérents et qu'elle commençait à se manifester, Teohari Georgescu prit des mesures pour que son président,
l'avocat Gheorghe Mihai, soit interné à Caracal, et le secrétaire général Alexandru Bratu dans l'autre camp, à Slobozia.
Sont passés par là: MM. Danila Pop,
personnalité du parti paysan, Gheorghe Puscas, officier de police, l'avocat
Radu Boros, de Constantza, l'avocat M.
Vasiliu, les frères Mihai et Costica Neico, de Constantza, un groupe d'ouvriers des usines
Malaxa avec le père Paun,
socialiste indépendant, le caricaturiste Ion Anestin, le poète I. Vasiliad, l'avocate Iisetta Gheor-ghiu, le docteur Vasile Noveanu, le
professeur Bucur Stanesco venu
d'Allemagne, ainsi qu'une série de légionnaires. En même temps, on a interné M. Sasa Ghersenkron, qui
avait déjà été condamné en 1941
pour espionnage en faveur de la Russie à côté de Alexandre Nicolski. On l'accusait maintenant d'avoir participé à des
affaires douteuses avec le général russe Burenin par ordre de Susaicov.
Les internés ont
décidé de présenter une requête au mois de novembre à Mark Etheridge, qui devait arriver en Roumanie aussi pour observer
comment étaient respectées les
libertés. Dans ce but, on a confié à M. Bratu toutes les preuves qu'on a pu
réunir. Celui-ci a réussi à s'évader pendant la nuit du 20 octobre 1945 avec le jeune Tase Tanasesco de Gaesti, le
commissaire Ionesco de la Préfecture de police de Bucarest, Istrate, garde de corps du Maréchal Antonesco, et Gh.
Puscas.
Arrivé à
Bucarest, Alexandru Bratu a rédigé la requête qui est partie vers sa destination grâce à Nicolae Penesco, le secrétaire général du
PNP.
Parmi ceux qui étaient au
camp de Caracal il y avait un groupe de la région de Brasov notamment: MM Victor Jinga, professeur universitaire, Draganeasa,
sous-directeur dans l'entreprise
textile roumaine de Médias, Rusu Popa Nicolaie, professeur à Médias, avocat Gheorghe Mihai, Dorina Gabor... Toujours au même camp, il y avait
encore: MM C. Gane, écrivain,
P.P. Panaitesco, professeur universitaire, Ioana Radu, Artur Noveanu, professeur Eugen Ciortea, colonel Atanasiu, Nonea et beaucoup
d'autres intellectuels. Il viendra
s'y ajouter le groupe de 40 ouvriers des usines Malaxa qui avaient opposé résistance à Gheorghe Apostol lorsqu'il était venu leur
imposer le régime communiste.
Les
prêtres formaient une grande majorité, environ 400 personnes. Parmi eux il y avait Magheru et Felea
Victor d'Arad qui, après avoir
été libéré, fut tué à Arad dans la rue.
Le pouvoir
discrétionnaire était entre les mains de l'adjudant Chitoc, qui était venu de Russie avec la division Tudor Vladimiresco et qui était
chargé de rééduquer et éclairer les
détenus, utilisant la brutalité et les coups.
Après avoir
imposé au pays le gouvernement procommuniste de Petru Groza, les russes installèrent de force les comités syndicalistes, formés de
communistes ou de leurs
partisans. La réaction des ouvriers fut prompte. Dans tout le pays il y eut des protestations.
On sait comment
Gheorghe Apostol, à la tête des ouvriers communistes, a occupé les usines Malaxa.
En Transylvanie, dans la ville de
Médias, les ouvriers mécontents et révoltés
ont créé le «Syndicat libre Dermata»,
procédant à des élections démocratiques. Les communistes vont procéder à l'arrestation du nouveau comité, en le déférant au Tribunal Militaire pour
être jugé.
Le président du
tribunal, le colonel Gicoveanu, un homme sans scrupules qui ne visait que son avancement, a demandé à l'organisation communiste
de Brasov de faire en sorte que le
jour du procès, toutes les places de la salle soient occupées par les communistes, qui devaient
crier des slogans pour empêcher la défense de prendre la parole. Les communistes sont ceux qui
ont demandé la condamnation des détenus.
Le comité du
«Syndicat libre» fut accusé d'avoir «comploté contre l'ordre social». Pendant que lecture était donnée de cette mise en scène,
les communistes ont crié des slogans dont l'un s'adressait au président: «Vive le général Gicoveanu». Ce que le
président du tribunal voulait obtenir
par ce procès était clair pour tous. Les plaidoyers de la défense se sont déroulés sous les
huées des gens de Gicoveanu.
Le procureur
Ciolaco a demandé des condamnations de 3-5 ans pour les représentants du syndicat libre: MM.
Aurel Deva président, Simplaceanu
Remus secrétaire, Calbureanu Ionel,
Struguras, qui fut tué quelques mois après à la prison de Pitesti, d'autres encore.
Lorsque le
tribunal s'est retiré pour délibérer, les avocats ont été agressés dans la salle même, par les
voyous de Gicoveanu. Ceux qui
ont pu s'échapper se sont cachés dans le bâtiment d'où ils sont sortis après 10 h du soir, grâce au capitaine Apolzan.
L'instauration de
l'ère communiste ne faisait que commencer. Nous allons suivre le perfectionnement des méthodes d'intimidation, de mises en scène, pour
aboutir plus tard à l'utilisation
du pistolet au tribunal, comme on l'a vu à Pitesti.
Avec de très
grandes difficultés, les partis ont commencé à se réorganiser. L'affluence était grande autour
du PNP. On avait parfaitement
conscience qu'il fallait se grouper autour d'un parti qui était le plus sûr garant de la lutte pour sauver la nation roumaine.
Toutes ces conditions étaient réunies
dans la personne de Iuliu Maniu. Dès 1942, l'avocat Horatiu Comaniciu reçut de
la part des légionnaires un mandat pour discuter avec Iuliu Maniu de leur entrée au parti.
Après le 23 août,
les légionnaires ont eu la possibilité d'entrer dans tous les partis. Ont adhéré au Parti National-Paysan les vrais légionnaires, tous
ceux qui voulaient lutter contre l'occupant et pour l'amélioration des conditions de vie de l'homme dans le travail et la
dignité. Ceux qui voulaient profiter
des avantages, désireux de parvenir, d'ailleurs peu nombreux et inconnus, se sont inscrits au Parti
Communiste.