Au début du mois de février, les
troupes roumaines de Crimée ont été bloquées sans possibilité de retraite,
subissant de très fortes attaques et de lourdes pertes. Hitler interdit le
retrait des armées et jusqu'au 12 mai, moment où la Crimée a été entièrement
reconquise par les russes, les pertes en vies humaines furent énormes et l'évacuation
sur mer une catastrophe. De nombreux navires équipés de militaires roumains
furent coulés.
L'offensive russe se poursuit. Commencée au mois de juillet 1943, elle a réussi à forcer l'ennemi à se retirer pendant 7 mois sans s'arrêter, occupant le bassin du Donetz, poussant les forces de l'Axe à l'ouest de Dniepre, les arrêtant sur le Boug au début du mois de février 1944.
A la fin du mois de février, Barbu
Stirbey est envoyé au Caire avec l'assentiment du Maréchal Antonesco, au nom
des partis National-Paysan et National-Libéral, pour établir dans quelles
conditions la Roumanie pourrait sortir de la guerre.
Les trois Grandes Puissances
demandaient la capitulation inconditionnelle de la Roumanie, discutant néanmoins
entre elles les propositions faites par Maniu:
1. Maintenir l'indépendance de la Roumanie.
2. Respecter le droit de territorialité.
3. Recevoir un statut d'état co-belligérant.
4. Soutenir là Roumanie en cas d'attaque par les Bulgares
ou les Hongrois.
Il était clair que pour les Alliés la Roumanie se trouvait dans une
situation désespérée, et que seul un changement de régime pouvait apporter le salut.
Les propositions ont suscité un
intérêt dans les milieux anglo-américains et ont été discutées. Mais le 22
mars, Molotov communiqua à ses alliés qu'il n'a pas confiance dans l'envoyé
roumain. La Russie était en pleine offensive à cette date, ayant percé le front
allemand, elle passa le Dniestr.
Les allemands préparaient la défense
dans les Carpathes et prenaient des mesures pour consolider la situation
derrière le front. Le 19 mars 1944, la Hongrie a été occupée et Antonesco
appelé par Hitler pour l'informer de la décision qu'il avait prise d'une
«guerre totale».
Le 1er avril, les troupes passent le
Prout et le gouvernement soviétique déclare qu'il ne poursuit pas l'occupation
des territoires roumains et qu'il n'envisage pas de changer l'ordre social.
Au mois de février 1944, Iuliu Maniu
qui avait confié 2 ans auparavant à l'avocat Iosif Toma Popesco des documents
importants, lui a dévoilé leur contenu.
Le premier document était signé par
l'ambassadeur de la Grande-Bretagne Sir Reginald Hoare, qui d'après les
dispositions de W. Churchill, communiquait à Iuliu Maniu que l'Angleterre
garantirait à la Roumanie à la fin de la guerre, les frontières de 1939 et son
indépendance, lui demandant en échange d'organiser la résistance contre le
nazisme.
Le deuxième document en date de 1942,
était une lettre autographe de W. Churchill, qui confirmait le contenu de la
lettre que l'ambassadeur de Grande-Bretagne avait envoyé à Iuliu Maniu.
Il est probable que ces documents ont
été utilisés par les émissaires qui partaient pour le Caire.
Au mois de mai 1944, le professeur Alexianu,
gouverneur en Transnistrie, invita l'avocat Iosif Toma Popesco à son bureau et
après lui avoir demandé des nouvelles de Maniu, lui fit part qu'à Bucarest se
trouvait un envoyé du gouvernement
allemand, qui était
venu pour organiser avec l'administration roumaine,
la déportation des juifs et des communistes de Roumanie dans les camps de concentration
de Pologne.
Alexianu espérait que Maniu ne
tarderait pas à en être informé, ce qui en effet arriva. Aussitôt que
l'information fut confirmée, on demanda à M. Popesco de porter une lettre au
Maréchal Antonesco. L'audience avec le Maréchal fut obtenue grâce au professeur
Alexianu. Dans la lettre, Iuliu Maniu demandait au Maréchal de ne pas permettre
les déportations sollicitées par les allemands. Le Maréchal Antonesco, par
retour du courrier, assurait à Iuliu Maniu que personne ne serait déporté,
aussi longtemps qu'il resterait à la tête de l'état.
Le 4 avril, en plein jour, à 13h50,
l'aviation américaine effectue son premier bombardement au-dessus de la
capitale, provoquant des dégâts importants et semant la panique parmi la
population. Le lendemain ce fut le tour de Ploiesti. Le même jour, après le
bombardement, Iuliu Maniu, Ion Mihalache et Dinu Bratianu se sont présentés en
audience chez le Maréchal Ion Antonesco, demandant de modifier la politique
externe de la Roumanie. Furieux, Antonesco a répondu qu'il ne suivrait pas les
conseils des hommes politiques corrompus. Quelques jours après à Snagov, a eu lieu
une rencontre secrète entre Iuliu Maniu, Ion Antonesco avec la participation de
Mihai Antonesco, vice-président du Conseil des Ministres. Après avoir motivé
son attitude sévère due à la Gestapo qui le surveillait de près, le Maréchal a
affirmé sa conviction que l'Allemagne avait perdu la guerre et qu'il fallait
entreprendre quelque chose pour sauver le pays. Il a ajouté que si Maniu avait
la certitude d'un débarquement des forces anglo-américaines en même temps que
l'arrivée des russes, lui, Antonesco serait d'accord avec les propositions du
président du Parti National Paysan. En tant que militaire, il a mentionné qu'il
savait regarder la mort en face. Si la Roumanie était occupée par les russes,
il serait le premier à être pendu, suivi par d'autres, dont Maniu.
Iuliu Maniu répondit qu'il n'avait
aucune promesse de la part des alliés et que, comme juriste, il n'avait pas
peur de la mort non plus, surtout lorsqu'il s'agissait du sort d'un million et
demi de roumains qui étaient sous la domination hongroise. Ils tombèrent
d'accord sur la nécessité de trouver une solution à cette situation difficile,
même si cela devait leur en coûter la vie.
La conviction de Iuliu Maniu que
l'Allemagne perdrait la guerre l'amena à faire cette déclaration, avant 1939,
en pleine campagne offensive de Hitler. L'entrée des Etats-Unis dans la
deuxième guerre mondiale après l'attaque de Pearl Harbour (7 décembre 1941)
laissa entrevoir à Maniu l'espoir d'un retour de la Transylvanie.
Il essaya de plusieurs façons, en
contactant des généraux de l'entourage du Maréchal, d'obtenir au moins une réserve
des forces roumaines nécessaires pour la reconquête de la Transylvanie.
La débâcle de l'Italie en juillet 1943
à la suite du coup éclair des anglo-américains, apportait à Maniu un argument
de plus pour essayer de sauver le pays. La défaite de l'Allemagne ne devait en
aucun cas nous trouver aux côtés de Hitler. L'action d'unir les forces de
l'opposition sur le plan interne devait se compléter sur le plan externe avec
l'envoi d'émissaires auprès des anglo-américains dans l'espoir d'obtenir des
conditions favorables pour conclure un armistice.
Je voudrais encore souligner les
efforts de Iuliu Maniu pour convaincre les intellectuels d'attirer l'attention
du Maréchal sur le fait que le temps était venu de sauver le pays du désastre.
Les professeurs universitaires, conscients de leur devoir envers la nation, ont
rédigé un appel à l'initiative de: D. Danielopolu, I. Jovin, Grigore Popa,
Simion Stoilov et Iorgu Iordan réunissant 65 signatures, qu'ils ont envoyé au
Maréchal en ces termes:
«Après 4 années de guerre, l'armée
allemande se trouve maintenant sur une défensive sans espoir. Elle a perdu ses
meilleures troupes et son alliée, l'Italie; elle a été obligée d'occuper
militairement la Hongrie, elle a perdu l'espace conquis à l'Est, une grande
partie des usines d'armements en Europe, la guerre sous-marine et la suprématie
dans les airs. Contre l'Allemagne et ses alliés luttent les trois-quarts de la
population du globe et les quatre-cinquièmes de l'industrie mondiale. Le
rapport de force est sans aucun doute en faveur des alliés et rien ne pourra
plus changer l'issue.»
Au mois d'avril, le Maréchal Antonesco
voulut arrêter les signataires. Le professeur Ion Petrovici réussit à l'en
dissuader, étant donné que tous ces gens étaient connus et appréciés à
l'étranger. N'ayant reçu aucune réponse, le groupe des universitaires envoya de
nouveau l'appel, en juillet 1944. Il fut intercepté cette fois-ci par Eugen
Cristesco, le chef du service secret.
En même temps, les cours
universitaires furent suspendus et les examens reportés à l'automne.
L'évacuation des autorités s'effectuait difficilement à cause de la population
qui se retirait à la campagne, craignant —ce qui s'est avéré fondé par la suite—
que les raids aériens continuent sans qu'on puisse les arrêter.
Les événements se précipitèrent.
Le 5 mai, le gouvernement anglais
propose aux russes un partage temporaire en ce qui concerne les sphères d'intérêt
dans les Balkans: la Roumanie sera dans la sphère de l'URSS, la Grèce dans
celle des anglais. Le 15 juillet, Roosevelt donne son consentement.
6 juin - le débarquement des alliée en
France marque la dernière phase de la guerre. A Bucarest, le 14 juin, les
représentants du palais discutent avec ceux du P.C.R., P.N.P. et P.N.L. (chez
Safian sur la Calea Mosilor, 105) des modalités de paix.
Le 20 juin, le Bloc National Démocrate
est constitué (PNP, PNL, PSD, PCR) dans le but de conclure sans tarder, sur la
base de l'offre faite par les alliés, un armistice avec les Nations-Unies
(URSS, la Grande-Bretagne et les USA,) essayant d'obtenir les meilleures
conditions pour les intérêts du pays.
Les russes marchent sur Varsovie le 22 juin et le 15
juillet occupent la Galicie.
2 août — la Turquie rompt les
relations diplomatiques avec l'Allemagne.
Dans la zone Iassy - Chisinau, les
russes reprennent l'offensive le 20 août, et le lendemain, Iassy est occupé.
Les troupes de Bessarabie se retirent le 22-23 août.
20-21 août. A Bucarest les quatre
partis politiques et le roi (qui avaient fixé la cessation de la guerre pour la
Roumanie au 26 Août) analyse faite, sont d'accord pour dire que tout est prêt
pour faire cette déclaration.
22 août — Ion Mihalache propose au
Maréchal Ion Antonesco de conclure sur le champ l'armistice.
Le 23 août, les russes sont à Vaslui
et à 9 h du matin au Conseil des Ministres, le Maréchal Antonesco donne des
directives pour la mobilisation générale et pour les mesures exceptionnelles
sur l'ensemble du pays.
Dix heures: Gheorghe Bratianu, de la
part du PNP et PNL, demande
à Antonesco de
conclure l'armistice.
16 h: le Maréchal Antonesco et Mihai
Antonesco sont arrêtés par ordre du roi, et le général Sanatesco, nommé
premier-ministre, donne l'ordre aux troupes de Bucarest de s'installer sur les
positions pour défendre la Capitale. Personne ne pouvait plus arrêter
l'effondrement de l'Allemagne. Même ses dirigeants le savaient.
La Roumanie avait gardé l'espoir
qu'après cette guerre, l'Amérique, par la «Déclaration des Etats-Unis» faite le
1er janvier 1942, allait respecter ses engagements et lutter pour les droits de
l'homme comme elle l'avait annoncé.
Personne ne savait à cette date que le
sort du monde avait été décidé par Roosevelt, Churchill et Staline, par le
partage en zones d'influences.
La fin des hostilités et le ralliement
aux côtés des alliés n ' ont été pris en considération qu'après le 12
septembre, date à laquelle l'armistice a été signé. Jusqu'à cette date, plus de
130.000 soldats roumains qui avaient déposé les armes, sont partis pour les
prisons de la Sibérie.
Le soir du 23 août, le ministre
allemand s'est rendu au palais, où il a été informé que la Roumanie avait cessé
les hostilités envers les Nations-Unies. Pour toute réponse il a donné un coup
de poing sur la table, menaçant de plonger le pays dans un bain de sang.
Six mois après, c'est Vichinski qui
agira de la même façon, imposant au roi le gouvernement Petru Groza.
Krouchtchev a fait mieux plus tard à l'Organisation des Nations Unies, en se
déchaussant pour frapper sur la table avec sa chaussure. Heureusement qu'il ne
portait pas de bottes.
Le lendemain, le 24 août, les
allemands commencent à bombarder la Capitale. Les roumains et les allemands se
trouvent en guerre. Les troupes roumaines ont réussi à défendre Bucarest, à
détruire les nids de résistance allemands et à repousser leurs attaques.
Dans la nuit du 23 août, le Maréchal
Ion Antonesco fut livré aux communistes par les sujets du roi, entre autres, le
maréchal du palais.
Le lendemain matin, Iuliu Maniu
accompagné de Grigore Niculesco Buzesti, se rendit au palais. Il vit le général
Constantin Sanatesco et lui demanda:
—Où est le Maréchal?
—Il a été arrêté !
—Où se trouve-t-il?
Après un moment, le général dit à voix basse:
—II a été livré aux communistes.
—Le roi est au courant?, demanda Iuliu Maniu.
Après un autre moment, le général
Sanatesco répondit gêné:
—Oui! avec l'accord de Sa Majesté.
Gr.Niculesco-Buzesti protesta,en leur
faisant remarquer qu'ils n'avaient pas le droit de le livrer aux communistes.
Entre temps l'alarme avait été donnée
et les gens étaient partis pour se rendre dans les abris. C'est là que Iuliu
Maniu a fait part à ses collaborateurs politiques de ce qui s'était passé. Le
Maréchal Antonesco fut arrêté au Palais Royal par Emil Bodnaras, ancien
lieutenant roumain d'origine ukrainienne qui s'est enfui en Russie en 1940,
après avoir dévalisé la caisse du régiment. En 1944 Bodnaras fut envoyé pour
espionner et prendre contact avec des gens du Palais, afin d'essayer
d'organiser les communistes inexistants. Les Palais de Bran et Scrovistea
furent quelques unes de ses cachettes secrètes.
La capitale a été défendue par
l'armée. Aucun autre «patriote» n'a osé se risquer dans le combat. Ils
n'étaient pas organisés. Les communistes se cherchaient à l'époque, ils étaient
peu nombreux, environ 400 dans tout le pays. Certains étaient venus avec les
troupes russes, d'autres étaient des agents de la Sûreté.
Le pays n'a pas été libéré par une
insurrection armée, mais par le pauvre soldat roumain , après des années de
guerre de tranchées et de misères.
Les armes distribuées après le 23 août
à des groupes national-paysans, socialistes et ouvriers ont été réclamées par
le commandement militaire de la capitale, le 29 août. Les communistes n'ont
rien restitué, dans le but bien précis de les utiliser par la suite, sachant
qu'il n'y avait pas d'autres moyens pour arriver au pouvoir.
Le 30 août les russes étaient à Bucarest. Ils
arrivaient en colonnes de marche sans fin, sortaient toutes sortes de
bouteilles avec toutes sortes de boissons alcoolisées, trinquaient et
chantaient pendant que les communiqués russes annonçaient qu'ils avaient
libéré les villes.
Après l'entrée des premières troupes,
les russes ont montré leur vrai visage, non pas r1 libérateurs, mais
d'envahisseurs. Ivres ou non, ils ne savaient dire qu'une chose: «davai»
(donne-moi) et «na Berlin» (à Berlin). Le soir, il était recommandable de ne
pas trop errer seul.
Le malheureux peuple roumain a connu
des journées abominables!
Il réalisait pour la première fois ce qu'avait dû être la souffrance de nos ancêtres au temps de la formation de
notre peuple à cause de l'Est lointain! Les souffrances du passé étaient de
nouveau actuelles. L'homme de la steppe était plus raffiné aujourd'hui. Il
possédait un pistolet et une balalaica. Il ne torturait plus comme les barbares,
sauf lorsque n'ayant plus de cartouches, il utilisait la baïonnette contre ceux
qui étaient sans défense. Les gens épouvantés s'enfuyaient devant le
déferlement de la vague, avec pour tout bien, l'inséparable baluchon qui a
toujours accompagné le roumain sur le chemin de son refuge dans les forêts. A
leur retour ils ont trouvé les libérateurs noyés dans du vin!
Ils étaient trop pressés pour ouvrir
les fûts alors ils ont tiré dessus.
La route «na Berlin» était longue. Ils
voulaient en profiter maintenant et, si possible, faire des réserves comme le
chameau.
Ainsi passa la première vague vers
l'Occident souriant...
Derrière elle, les russe sont restés
pour organiser les territoires libérés. Ils ont commencé à chercher des camarades
partageant leurs idées. Mais il n'y en avait pas. Le communisme montra son vrai
visage: une école d'immoralité.
Les opportunistes, ceux qui avaient un
passé douteux, des gens sans loi ni foi se sont jetés dans les bras de
l'envahisseur.
La vérité est que ceux qui ont adopté
rapidement le communisme étaient des gens qui n'avaient rien en commun avec la
nation roumaine, sa foi et ses traditions. C'était surtout dans le but de
pouvoir arriver à des postes intéressants et de continuer leurs affaires sans
être dérangés.
Le mot démocrate, mot ancien pour l'humanité, nouveau
pour l'Est était assaisonné à toutes les sauces, réinterprété sans aucune gêne.
Mais qui devait se gêner? Ivan, qui n'avait pas le droit de discuter? Il
n'était qu'exécutant. Qui ne disait pas comme lui, «niet cultur» (pas de
culture). Le malheur a fait que des gens qui se considéraient savants, ont
entièrement adhéré à cette culture amorale qui avait donné un nouveau sens à la
notion de démocratie. Ils se sont associés avec ceux qui n'avaient rien en
commun avec la nation roumaine, cherchant à réinterpréter son passé et à détruire
son avenir.
Mais le 23 août était maintenant
derrière nous. Notre alliance avec les puissances dictatoriales avait été conclue
sans la volonté du peuple. Il y a eu des gens, alors comme auparavant, le 23
août, pour se jeter dans les bras des régimes totalitaires. Maintenant, en
1944, nous étions aux côtés des russes sans avoir signé aucun document. C'était
la force qui dictait.
En septembre 1944, Vichinsky est venu
en Roumanie et au cours de la discussion qu'il a eue avec les quelques
communistes roumains, il leur a dit: «Camarades, vous avez l'armée soviétique à
vos côtés. Vous devez constituer un gouvernement communiste et suivre la
politique de Moscou.» Parmi ceux qui ont pris alors la parole, certains ont
affirmé que les cadres manquaient. «Il faudra commencer à zéro, avec tous les
partis politiques. Nous former, nous imposer». Ceux qui alors ont soutenu ce
point de vue sont entrés par la suite en prison. Jianu, sous-secrétaire d'état
au Ministère de l'Intérieur, a été un de ceux qui ont trahi les personnes qui
n'acceptaient pas la politique soviétique.
Dans cette situation trouble, l'espoir
des roumains restait le roi et l'armée. C'était d'eux qu'on attendait le salut.
Le premier gouvernement Sanatesco, formé par les militaires sous l'égide des
quatre partis politiques avait commencé son activité ayant comme but:
poursuivre la guerre contre l'Allemagne hitlérienne et à l'intérieur faire
face aux obligations imposées par l'armistice, ainsi que redresser la situation
économique précaire.
Le 12 septembre 1944, l'armistice avec la Russie a été
signé à Moscou. La délégation roumaine était composée de: Barbu Stirbey et C.
Visoianu, venant du Caire et de: L. Patrascanu, Ionel Cristu, Ghita Pop,
Damaceanu, venant de Bucarest. La délégation était pratiquement prisonnière, en
dehors de Patrascanu qui avec Ana Pauker et Vasile Luca décidaient déjà du sort
des roumains.
En dehors de la perte de la Bessarabie
et de la Bucovine du Nord, nos dettes s'élevaient à 300 millions de dollars, en
marchandises (cours 1938) que nous devions rembourser en 5 ans. D'après certains,
on a payé cette somme au moins dix fois. Le pillage du pays a commencé. Les
richesses des roumains étaient confondues avec celles des allemands et les
russes prenaient tout, tout ce qu'ils voulaient, sans perdre de temps. De
nombreux trains ont commencé à charger des usines démontées, tout ce qu'on
pouvait trouver dans les dépôts de l'armée: des voitures, des chevaux de
courses, du bois, du ciment, des céréales, du pétrole, du charbon, de l'or, de
l'uranium, tout prenait la route de l'Est.
Un ouvrier des chemins de fer
(cheminot) de Ungheni qui voyait tout cela le cœur serré, a commencé à enregistrer
les wagons qui passaient le Prout... On a appris cela plus tard. L'homme a été
torturé, jeté en prison; en 1961 il se trouvait à Râmnicul-Sarat d'où on ne
sait pas s'il est jamais sorti.
Grégoire Gafenco, ambassadeur roumain, a écrit le 7
octobre 1946 à Paris: «Évaluant, une à une, les obligations imposées à la
Roumanie —réparations proprement dites, frais d'occupation, restitutions,
réquisitions, transfert de créances allemandes et italiennes au crédit de
l'occupant— le délégué américain, M. Willard Thorp, a été amené à énoncer les
conclusions suivantes: —EN ADDITIONANT LES CHARGES PASSEES ET FUTURES, NOUS
ARRIVONS A LA SOMME AHURISSANTE (the staggering sum) DE 2 MILLIARDS DE DOLLARS—...
Car le fait d'imposer à des peuples, dont le revenu national ne dépasse guère
aujourd'hui 700 millions de dollars, une charge de 2 MILLIARDS (et cela,
après avoir fait passer, en
majeure partie, — et sous le couvert de sociétés anonymes mixtes — les
richesses naturelles, les industries, les mines, les moyens de communication
aux mains de l'occupant) mène fatalement l'économie de ces peuples, et
conjointement l'économie de toute une
partie de l'Europe, à la dissolution et à la mort.»
L'URSS, qui avait pleinement rassuré
l'Allemagne, en reconnaissant en 1939 la main-mise de Hitler sur les états de
l'Europe centrale, réclamait en 1944 ce même droit de main mise pour
elle, tout comme Hitler l'avait
fait.
Les Nations Unies qui étaient entrées
en guerre afin de libérer les états européens occupés par Hitler, n'ont fait
que livrer ces mêmes états à l'esclavage stalinien.
Dès les premiers jours où les troupes
soviétiques ont foulé le territoire roumain, assassinats, viols et mises à sac
ont été perpétrés comme au temps des invasions barbares.
A Moscou, le 9 octobre 1944, Winston
Churchill dit à Staline «Réglons nos affaires dans les Balkans. Vos armées se
trouvent en Roumanie et en Bulgarie. Nous avons des intérêts, des missions et
des agents dans ces pays. Évitons de nous heurter pour des questions qui n'en
valent pas la peine... Pendant que l'on traduisait mes paroles, j'écrivis sur
la moitié d'une feuille de papier: Roumanie-Russie 90%, les autres 10%... Tout
fut réglé en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire...»
Voilà comment fut «réglé» à Moscou le
sort de la Roumanie: jetée avec cynisme dans l'esclavage, soumise au génocide
de la plus terrible dictature.
Sur la signification du partage en zones d'influence,
écoutons le témoignage de Stanislas Mikolajczyk qui fut obligé de participer à
une scène semblable, décrite dans son ouvrage «Le viol de la Pologne»: «Molotov
m'arrêta brusquement et durement: Mais tout cela a déjà été réglé à Téhéran, et
jeta-t-il son regard vers Churchill et Harriman qui se taisaient tous les deux
et ajouta en tenant toujours sous les yeux des deux «Grands hommes
politiques»: Si la mémoire
vous manque, laissez-moi vous rappeler les faits. Nous sommes tous tombés d'accord à Téhéran
pour que la Pologne soit partagée par la ligne Curzon. Vous vous souviendrez
que le président Roosevelt a accepté cette solution et a fortement appuyé sur
cette acception: Nous convînmes alors
qu'il était préférable de ne faire aucune déclaration publique au sujet de cet
accord»
Stanislas Mikolasjczyk, pensant
entendre un mensonge, tourna ses regards vers Harriman et Churchill. Le
premier baissa les yeux, mais Churchill se tourna vers le polonais et lui dit:
«C'EST EXACT».
On peut ajouter: pour la Pologne a
commencé la guerre.
***