Le 20 avril 1943, Iuliu
Maniu et C.I.C. Bratianu adressèrent à Antonesco un mémorandum, s'opposant avec véhémence à la poursuite de la guerre: «Nous
vous avons signalé les graves
dangers auxquels vous exposez la nation roumaine en étant solidaires avec ceux qui ont amputé la Roumanie et qui
inévitablement se dirigent vers la catastrophe. L'intérêt et l'honneur national ne nous permettent pas aujourd'hui d'avoir
des sentiments et des attitudes
hostiles envers les démocraties anglo-américaines, nos alliés naturels et les alliés de toutes les
petites nations du globe. Le
peuple roumain n'approuve et n'approuvera jamais que soit continuée la lutte au-delà de nos
frontières naturelles». (Arch.
de l'Etat, Bucarest, fond. Présid. du Cons. des Ministres).
Devant la situation de
plus en plus difficile de la Roumanie, des pertes de plus en plus grandes sur le front russe, Iuliu Maniu et C.I.C Bratianu se sont
à nouveau adressés au Maréchal
Antonesco, vers le 12 août 1943: «II est inadmissible que la nation roumaine soit engagée et
retenue contre son gré dans une
conflagration universelle, par la volonté d'un régime qui n'a pas l'adhésion de l'opinion publique, et que
son armée soit maintenue loin des frontières du pays, périclitée de toutes parts. La nation roumaine demande que cette guerre finisse
et que son armée soit ramenée chez elle
pour qu'elle puisse défendre ses frontières et la terre de ses ancêtres».
Une atmosphère d'insécurité se manifestait pour demain dans le pays. Maintenant que chacun se rendait compte que la guerre menée par les puissances de l'Axe touchait à sa fin, la Sûreté de l'Etat intensifiait son activité, passant à l'arrestation des membres du PN P ou PCR et même de ceux sans appartenance politique, mais qui par leurs diverses activités se montraient ennemis du régime ou bien manifestaient de la sympathie pour les démocraties occidentales. Parmi ceux qui ont appartenu au PNP et qui ont été emprisonnés dans des camps il y avait: Ilie Lazar, Ni-colae Carandino, Aurel Leucoutia, Nicolae Graur, Zaharia Boila, Radu Ciocoulesco, Anton Alexandresco, Rica Georgesco, Augustin Visa, Aurel Maldaresco, Cornel Rodo-cea, Anton Muresanu, Nicolae Bera, I. Popovici, Corneliu Coposu, P. Iaroslavici, ing. Balan, av. Radulesco, Ion Ra-
chitan, Max Radovan.
La situation était
difficile sur les fronts
de l'Axe et l'intensification des raids aériens
au-dessus des pays belligérants l'accentuait encore.
Le 1er août, la ville de Ploiesti subit le premier
bombardement de l'aviation anglo-américaine, causant de
grands dommages à
l'industrie pétrolière, ainsi
que la perte de centaines de vies humaines. Les
troupes anglo-américaines avaient
débarqué en Sicile le 10 juillet 1943 et en
moins de dix jours avaient fait sa conquête totale. Cette avance vertigineuse décida le roi Emmanuel à arrêter Mussolini,
le 24 juillet. Le 8 septembre, un armistice est
conclu avec l'Amérique
et l'Angleterre et le 13
octobre 1943, l'Italie déclare la guerre à l'Allemagne, son ancien allié.
Il n'y avait plus rien qui eût pu sauver le 3ème Reich. Au cours du mois de septembre, les
troupes soviétiques sont arrivées
au Dniepr , contribuant à la démoralisation des troupes allemandes qui se retiraient.
Face à ce nouveau rapport de forces, le
gouvernement Antonesco désigna
deux ministres, Alexandru Cretianu à Ankara et Frédéric Nanu à Stockholm pour commencer des pourparlers avec les alliés. Les deux diplomates
partirent à l'étranger avec
l'assentiment personnel du Maréchal Antonesco qui, voyant le front allemand
s'effondrer, déclara qu'aucune balle ne serait
tirée contre les troupes alliées et que la Roumanie pourrait éventuellement
mettre à la disposition des
forces alliées des divisions complètement équipées.
Dans cette atmosphère de
confusion, le poète Tudor Arghezi publiait le 30 septembre le pamphlet «Baroane» qui était une insulte à l'adresse de
Manfred von Killinger, le ministre
allemand à Bucarest, ainsi que de l'Allemagne.
Les
alliés décidèrent la création
d'une Commission consultative européenne qui siégerait à Londres, formée de l'URSS (Feodor Tarasevici Gusev,
ambassadeur russe en Angleterre), U.S.A. (John G.
Winant, ambassadeur à Londres) et la Grande-Bretagne
(Sir William Strang, ministre adjoint au Ministère des affaires étrangères). Cette commission avait comme but
l'élaboration des recommandations dans les clauses de capitulation imposées à tous les états européens en état de guerre avec les Etats-Unis. Dans cette situation, Alexandru
Cretzianu fut informé par le gouvernement anglais
que les démarches des roumains ne seraient prises en considération que si
elles étaient en même temps
adressées à l'URSS et aux Etats-Unis, membres de la Commission
consultative européenne. Par ailleurs, les autres prises de contacts que les roumains eurent dans diverses capitales
apporteront invariablement la même réponse: la capitulation sans conditions.
Dans un mémorandum
adressé à Edouard Benes, Iuliu Maniu demandait au chef du gouvernement tchécoslovaque en exil de soutenir la cause de la Roumanie
auprès des russes à Moscou.
En novembre 1943, Maniu
adresse un mémorandum à la Grande-Bretagne, montrant qu'il est prêt à envoyer
un délégué pour traiter,
avec leur concours, la sortie de la Roumanie de cette guerre.
Malgré les accusations dirigées contre Mihai Antonesco par l'opposition, celui-ci a su montrer qu'il se
rendait parfaitement compte
de la situation difficile qui régnait au front. Ainsi, au cours des
discussions qui ont eu lieu pour la
prolongation des accords économiques entre les roumains et les allemands, il a
demandé au Reich d'acquitter les
marchandises en or ou devises convertibles, ou bien alors de livrer à la Roumanie des produits qui
manquaient, sur la base d'un échange
réciproque avantageux. Par la même
occasion, Antonesco a souligné que si l'armée hongroise avait lutté aux côtés de l'armée roumaine,
c'est la Roumanie qui avait eu le
plus de pertes. Malgré cela, la Hongrie était mieux traitée que la Roumanie.
A Téhéran, le 23 novembre 1943, a lieu une rencontre au sommet entre les représentants de l'Angleterre,
de l'Amérique et de la Russie.
Le problème principal était l'ouverture d'un deuxième front, en perçant le mur de l'Atlantique. Ici, à Téhéran, commence l'abandon des Balkans. Dans cette atmosphère sombre
d'effondrement des fronts et de mécontentement
grandissant de l'opinion publique, le 1er décembre
1943 on décide de fêter les 25 ans qui s'étaient écoulés depuis
l'union de la Transylvanie avec la Roumanie. Au cours de cette fête, les étudiants transylvains ont manifesté, pour
protester contre l'interdiction faite à Iuliu Maniu de prendre la parole, lui, qui avait précisément
contribué à cette
union. La fête eut lieu à la salle «Aro» archi-comblée.
Quelques minutes avant
la conférence, de fortes ovations ainsi que les cris de «vive Maniu» se font
entendre. J'avais entendu parler
de lui, mais ne le connaissais pas personnellement. A travers la foule, je vis s'avancer un petit homme âgé d'environ 70 ans,
soutenu par Cornel Coposu.
Modestement, il remercia pour l'accueil chaleureux, en prenant place sur une chaise. Mais la foule
réclamait un discours: «Nous
voulons entendre Maniu »• II se leva, remercia en embrassant tout le monde de son regard, mais ne prit pas la parole.
C'est Zenobie Paclisanu qui parla, montrant l'importance de l'acte de l'Union, ainsi que
le rôle de ceux qui ont réalisé cet acte historique. Dans son discours il prononçait souvent le nom de Maniu qui déclenchait à chaque fois un tonnerre d'applaudissements. Vers la fin, toute
la masse de participants chanta
«Desteapta-te Romane». En sortant les étudiants se dirigèrent vers la statue de Mihai Viteazul (Michel le Brave) qui fut un des
premiers à réaliser les aspirations du peuple roumain. Aussitôt ils furent encerclés par les gendarmes. La jeunesse
commença à chanter l'hymne national
«Traiasca Regele» et ceux qui nous entouraient prirent position de «garde à vous». Le fleuve de la jeunesse coulait parmi les
gendarmes et on entendait maintenant aussi: «A bas le Diktat de Vienne!». Depuis 1940, lorsque fut conclu le marché
honteux par lequel nous perdîmes
injustement des territoires arrachés au pays, on n'avait plus vu les foules manifester
ouvertement leur hostilité contre
cette dictature. J'étais surpris. Jusqu'à l'Université, on se fit entourer par les gendarmes
par deux fois, mais nous réussîmes
à nous faufiler comme plus haut. Arrivés à l'Université nous restâmes surpris: la statue de Mihai Viteazul était encerclée
par la police et l'armée. Nous nous dirigeâmes vers les fenêtres côté rectorat (Ho-ria Hulubei était recteur à
l'époque), en nous épanchant dans des chants patriotiques. La circulation des tramways avait été interrompue à cause de la
foule qui devenait de plus en plus
dense. Sans s'être concerté d'avance, la foule pleine d'aversion envers le régime eut l'audace de manifester sa solidarité avec ses
frères opprimés, en plein centre de Bucarest et en pleine dictature. Environ deux heures après, la manifestation prit fin et
les étudiants se dirigèrent en groupes vers le foyer. Un grand ouf, qui oppressait la poitrine des gens fut lâché.
L'histoire l'a consigné.
Les débuts de 1944
trouvaient le pays roumain dans une situation bien difficile. La guerre s'était étendue jusqu'au Dniestr et on s'attendait de
jour en jour à ce qu'elle s'installe chez nous.
En Transylvanie du Nord les persécutions se poursuivaient et on ne manquait pas une
occasion d'humilier les roumains. Les hongrois ont fait preuve de leur sentiments de haine au cours du mois de février
1944, lorsqu'ils ont fait irruption chez les théologiens roumains de Cluj,
parmi lesquels se trouvait aussi l'évêque Iuliu Hossu. Ils ont été frappés et humiliés, ce qui a soulevé
l'indignation de tout le peuple roumain et en particulier des étudiants, qui ont commencé à bouger et
à s'organiser dans tous les centres universitaires de Roumanie. La jeunesse estudiantine
partait sur une nouvelle route, celle qui mène parfois
à l'histoire.
Le 8 mars 1944 les
agitations estudiantines furent à leur comble. Les préparatifs avaient lieu au foyer des étudiants. Là se trouvaient tous les
réfugiés et principalement ceux du Nord de la Transylvanie, terre arrachée à la
Roumanie par la main de
Hitler.
«L'association des
Étudiants du Somes», qui reflétait les sentiments de tous les réfugiés, avait pris l'initiative d'organiser une grande manifestation
protestataire contre le Diktat de
Vienne, contre les abus et les crimes commis par les hongrois, sollicitant une intervention
immédiate des troupes roumaines.
Comme toujours, la
jeunesse et particulièrement la jeunesse universitaire, allait dire son mot avec fermeté. Les réfugiés: Barbus Ion, Borza,
Chisiu Nicolae, Goia Ion, Ludosanu Aurel, Mos Victor, Tartzia Mihai avec beaucoup d'autres
personnes, ont téléphoné partout, d'un foyer à l'autre, pour avertir qu'une réunion des
étudiants aurait lieu à la Faculté
de Droit de Bucarest, le 9 Mars à 8 heures. C'était un mouvement de solidarité avec les collègues des autres centres
universitaires (Brasov, Sibiu, Timisoara, Iasi) et de protestation contre ce que les hongrois ont infligé aux étudiants en
théologie de Cluj.
Les foyers: La maison des
étudiants, Matei Voevod, Polytechnique, Stanesco, Le corps didactique, et
Vasiliu Bolnavu étaient tendus.
Pendant que certains étudiants collaient des affiches aux murs, d'autres parcouraient les dortoirs, essayant de montrer que la
solidarité était une nécessité pour tous, non seulement en Transylvanie, mais aussi pour le reste du pays.
Dans cette atmosphère,
la réunion projetée pour le lendemain prenait l'aspect d'une grève étudiante et on faisait toutes sortes de plans pour
éviter un échec. Tous manifestaient une fermeté dont les étudiants seuls avaient le secret. C'est une chose qui s'est
confirmée depuis, constituant une attitude valable partout et toujours. L'élan de la jeunesse avait dit son mot.
Au matin du 9 mars, tout
le monde était sur pieds au foyer Matei Voevod, plus tôt que d'habitude. On avait fixé par téléphone l'heure du départ
qui devait avoir lieu à 7 heures
trente, ce qui fut fait. Dans un grand enthousiasme, en groupes compacts de plus de 500
étudiants, nous nous
dirigeâmes vers la station Matasari. Les tramways arrivaient. Les étudiants avertissaient les
passagers qu'il n'y aurait que
deux arrêts, à la station «Bratianu» et à la Faculté de Droit. Ceux qui devaient descendre ailleurs étaient priés d'attendre le tramway
suivant.
Les gens, à notre grand
étonnement, n'ont pas protesté, ils étaient plutôt curieux, et beaucoup nous ont suivi jusqu'à la
Faculté de Droit.
A côté du conducteur, il
y avait quelques jeunes et le tramway n'arrêtait qu'aux endroits décidés. De cette façon 5 tramways sont arrivés du Soseaua
Iancoului jusqu'à destination. Là,
une première surprise nous attendait. La Faculté avait été encerclée par l'armée et les mitrailleuses avaient été postées en
différents endroits. Malgré cela, l'accès à la Faculté était resté libre. La cour, assez large, était devenue trop petite. Les
étudiants en groupes, arrivaient de toutes les facultés, où, dès le matin de
très bonne heure, des piquets
s'étaient formés et des pancartes expliquaient et invitaient la jeunesse à se rendre au Pont Elefterie.
La «Médecine
vétérinaire» fit impression, arrivant tous jusqu'au dernier homme en chantant:
«Maine vom porni din nou la tine,
Hotarîti sa nu dam inapoi».
(Demain nous partirons
de nouveau vers toi, décidés à ne pas reculer.)
Aux environs de 9 h., il
y avait, rassemblés à la Faculté de Droit, plus de 3000 étudiants, à qui le doyen Rarincesco, professeur de droit civil,
voulait parler. Il leur conseilla de se retirer, mais il n'arriva pas à les persuader. La foule demanda à être admise dans
l'amphithéâtre de la faculté pour débattre des problèmes qui l'intéressait. Le Doyen, ayant peur d'accepter
cette proposition, se retira.
Entre temps, un étudiant
avait dessiné une carte de la Transylvanie du Nord. Un autre la brûla. Quelqu'un proposa de porter le deuil. Un petit trapu, les yeux
injectés —Bulz, à côté d'un autre, long et mince—
Mircea Santimbreanu, insultaient et
invitaient les gens à se rendre à la
légation de la Hongrie pour y casser des vitres.
Mais voici qu'on demande
le silence. Le Doyen Rarincesco apparaît
à nouveau, accompagné d'un officier supérieur. Ils veulent parler. La foule leur demande de s'élever pour être bien vus. On trouve
un tabouret.
—Qu'il monte sur
le tabouret! clame
quelqu'un.
—Qu'il monte, s'exclament d'autres voix.
C'est le Doyen qui monte
en premier pour annoncer que le général Piki Vasiliu, Ministre de l'Intérieur, veut prendre la parole.
—Qu'il monte et qu'il parle!
Le Doyen descend et le
Ministre de l'Intérieur monte.
—Messieurs,
commence-t-il, monsieur le Maréchal m'envoie pour vous demander de vous
disperser; en même temps, il vous assure qu'il prendra soin de résoudre les problèmes qui vous préoccupent.
—Non, nous ne partirons
pas! Il ne peut pas nous rassurer. Il n'a pas de parole. Nos frères ont été tués et ils étaient innocents!
—Nos parents
sont torturés !
—A bas le
Diktat de Vienne!
—Nous voulons la restitution de la Transylvanie! —Partons pour libérer nos frères!
—Que l'armée parte pour
libérer la Bucovine et la Transylvanie du Nord!
—Nous ne
partirons pas!
Le général faisait des signes, mais personne
ne le remarquait:
—Messieurs, nous pouvons
discuter. Monsieur le Maréchal est disposé à recevoir une délégation choisie par vous avec laquelle
il pourra discuter des problèmes qui vous préoccupent.
—Si nous rentrons dans la salle on nous arrêtera! —On ne vous fera rien, a répondu le général. Entre
temps, un des étudiants
qui observait les a-bords de l'Université est venu nous
dire que sur les rives de la Dâmbovitza des pompiers avaient été concentrés pour disperser la manifestation. En outre,
on avait fait venir des soldats sur la Calea Plevnei.
Les discussions devaient
avoir lieu sur le stade de la Faculté à notre demande. Le Doyen et le général se sont retirés pour revenir 20 minutes
après.
Les avis étaient
partagés. Les uns avaient choisi l'amphithéâtre, les autres le stade.
Au retour, on nous a de
nouveau rassuré, et nous sommes entrés dans l'amphithéâtre de la Faculté. On vit apparaître le Doyen Rarincesco, Piki
Vasiliu, le colonel Manolesco, le chef de la Sûreté d'Etat, Borza —étudiant faisant partie de l'Association des
étudiants du Somes, Ion Barbu et Ion Goia— étudiants à la Faculté de Droit, d'autres encore.
Après avoir fait part aux étudiants qu'ils
pouvaient choisir une délégation
selon le désir du Maréchal, laquelle pourrait se présenter le lendemain 10 mars
1944 à la Présidence du Conseil
des Ministres pour présenter ses doléances on passa aux élections; ont été désignés: Goia Ion, Borza, Tartzia, Barbus Ion,
Chisiu Nicolae, Mos Victor, Luduseanu Aurel, D. Lazaresco, Roscolesco Ion, Catinas, Nicoara, Basarabeanu, Langa,
Stanesco, Naghi, V. Boucouroiu, moi-même et 3 autres étudiants.
Les autorités se sont
retirées, sauf le colonel Manolesco. La délégation est tombée d'accord pour la constitution d'un mémorandum, fixant une nouvelle
réunion le soir même à 17 h., à
la Maison des étudiants qui se trouvait Calea Plevnei.
En cet après-midi du
vendredi 8 mars fut rédigé le mémorandum contre le Diktat de Vienne à la suite duquel nous a été arrachée une partie de notre terre
pour la donner à ceux qui nous
ont opprimés 1000 ans. On a montré les souffrances qu'ont dû endurer nos frères sous l'occupation étrangère. On demandait
le retour des troupes qui luttaient à
l'Est et leur départ pour libérer la Transylvanie du Nord.
Le lendemain matin, nous
devions nous rencontrer à la Maison des Étudiants pour discuter, avant de nous rendre à la Présidence, où nous
étions attendus. Arrivés ici, nous apprîmes avec stupeur que deux de nos représentants, Borza et un autre dont je ne me souviens
plus le nom, venaient d'être
arrêtés. Ceux qui avaient déjà appris la nouvelle commencèrent à s'agiter, en téléphonant au colonel Manolesco, le chef de la
Sûreté qui était présent lorsque le ministre de l'intérieur avait garanti que personne ne serait arrêté.
Vers 10 h. les deux personnes arrêtées furent
amenées Calea Plevnei, d'où nous
partîmes à pied vers la Présidence, Place de la Victoire. Arrivés là, nous vîmes le Ministre de l'Intérieur Piki Vasiliu qui nous
attendait sur les marches de l'entrée. On nous pria d'entrer et un major se précipita pour nous aider à enlever nos
manteaux, mais nous refusâmes en nous
débarrassant nous même. Dans les couloirs, à chaque pas des glaces, nous ne savions de quel
côté nous diriger. Le même
major nous conseilla de prendre l'ascenseur. Nous refusâmes et montâmes à pied jusqu'au dernier étage où se trouvait la
salle de conférences. Pénétrant dans la salle, nouvelle surprise! Autour d'une
table arrondie en fer à cheval
étaient réunis des professeurs universitaires représentant les différents rectorats du pays, accompagnés chacun de leur étudiant
préféré. Après quelques moments de
réflexion, étant donné que les discussions devaient être menées avec les représentants élus par les étudiants et non avec ceux désignés
par les recteurs, nous nous sommes
dirigés ostensiblement vers le fond de la salle où se trouvaient environ 30 chaises sur lesquelles
nous primes place.
Peu de temps après, on
annonça l'arrivée du Maréchal, qui ne tarda pas à faire son apparition dans la salle, en commençant par serrer la main à
ceux qui étaient rassemblés autour de la table. Arrivé devant nous il voulut faire la même chose. Sans nous être passé
le mot ,nous reculâmes tous de deux
pas, comme à la commande. Surpris, le Maréchal nous salua de la main, en disant: «Vous, je vous salue» en continuant de serrer les
mains qu'on lui tendait. Ayant fini, il nous invita à nous asseoir en prenant place à son tour.
—Avant de commencer à
discuter, dit le maréchal, je voudrais d'abord savoir qui était la personne, hier à la Faculté de Droit, qui s'est exprimée
en disant qu'on avait oublié nos frères
opprimés de la Transylvanie du Nord en les abandonnant à des tortures barbares?
Silence teinté d'une
légère crainte. Dans ce silence un homme se lève et répond avec assurance:
—C'est moi, Monsieur le
Maréchal et je maintiens ce que j'ai dit!
C'était Ion Goia,
étudiant en Droit, un homme décidé, réfugié comme beaucoup d'autres et qui avait connu les tracas de l'exil. Les regards des deux
hommes se croisèrent, montrant beaucoup
de courage et de fermeté. C'est le Maréchal qui le premier rompit le silence:
—C'est bien, je voulais le savoir. Maintenant je
donnerai la parole au
Ministre de l'Intérieur pour qu'il expose les événements qui ont eu lieu hier à la Faculté de
Droit où on a accusé le
gouvernement et moi-même de ne pas avoir pris position contre les
abominations perpétrées à Cluj.
—Messieurs, dit Piki
Vasiliu, au début du mois de février, les étudiants roumains en théologie de Cluj, ainsi que l'évêque
Iuliu Hossu ont été maltraités et injuriés (mais le ministre a omis de mentionner que Iuliu Hossu, à qui
on avait craché au visage,
s'est adressé d'une voix douce à ses agresseurs, en leur disant: «Ce sont les
perles de la couronne de Saint Etienne?»). Après avoir pris connaissance de cet
incident, poursuivit le
Ministre de l'Intérieur, le gouvernement roumain s'est adressé au gouvernement hongrois par une protestation et il donna lecture au
contenu du télégramme par lequel la Roumanie
attendait satisfaction.
«Mais si le gouvernement
attendait officiellement une réponse à cette affaire, un certain Gavrila Olteanu n'a pas attendu et se trouvant au
restaurant Coroana de Brasov, il a
agressé le consul de Hongrie. Cette riposte n'est pas d'usage pour résoudre les
problèmes entre les états, » a ajouté
le général Vasiliu.
Ensuite, le Ministre de
l'Intérieur a donné lecture à un autre télégramme, qui demandait au gouvernement hongrois de préciser son point de vue, attendu qu'il
n'y avait pas encore répondu.
Après cette brève
présentation de la situation, le Maréchal Antonesco prit la parole, en disant:
—Messieurs, je vous ferais remarquer que la préoccupation de notre gouvernement reste
et restera la décision ferme de résoudre
honorablement l'incident qui a eu lieu à Cluj, parce qu'on n'acceptera jamais
que les roumains qui sont restés
sous l'occupation étrangère soient maltraités et bafoués. On m'a dit que vous aviez voulu
sortir hier dans la rue pour
manifester pour ceux qui sont restés dans la Transylvanie du Nord. La Roumanie n'a pas perdu de vue qu'il existe des roumains et
des territoires roumains au-delà des frontières actuelles. Vous devez savoir que la nation roumaine passe aujourd'hui par
des moments très difficiles, qui
mettent en cause son existence. Faites confiance à la politique que mène le gouvernement
roumain et n'oubliez pas que
quoiqu'il advienne, la nation roumaine ne devra pas disparaître. Soyez
confiants, car à la tête du pays seront appelés des hommes qui auront à cœur de résoudre les problèmes vitaux de notre
nation. Je suis d'accord pour que demain 11 mars vous manifestiez vos sentiments de solidarité avec vos
frères de la Transylvanie du Nord. J'ai donné l'ordre à la police de ne pas intervenir sur les lieux de la manifestation. Je vous demanderai
de maintenir l'ordre, d'éviter la casse
et les bagarres.»
Bien entendu, je n'ai
fait que relater brièvement l'essentiel du discours qu'avait tenu alors le Maréchal, car la mémoire s'estompe
avec le temps et les notes prises ont été détruites.
Les étudiants avaient eu
de la chance de pouvoir «manifester avec l'accord du gouvernement», ce qui en disait long, étant donné qu'on était sous
la botte des prussiens et que le but
était aussi de manifester directement contre ceux
qui voulaient instaurer un nouvel ordre européen.
Dimanche à 9 h., les
étudiants de Bucarest, en nombre impressionnant, étaient rassemblés Calea Plevnei, portant les drapeaux,
les uns en costumes nationaux, pleins d'animation et solidaires comme on ne les avait jamais
vus auparavant.
A l'intérieur, dans la Maison des étudiants, les organisations discutaient avec animation sur le but de
la manifestation. En fait, le but était précis: dans la rue, en plein Bucarest, il nous fallait réveiller
les consciences des gens timorés, pour qu'ils exigent leurs droits et clament leur douleur. D'aucuns soutenaient, mais
ils n'étaient pas nombreux, que les
manifestations devaient avoir lieu à l'intérieur, dans la salle des spectacles, pour éviter les
incidents. Ceux-ci étaient
le porte parole du Dr. Lazaresco, le président de la Société des étudiants en médecine, qui avec d'autres, fort peu nombreux, ne voulaient pas se fâcher avec la Sûreté.
Dans cette atmosphère
d'hésitation, après quelques coups d'œil échangés entre Barbus Ion, Goia Ion et Tartia Mihai, il fut décidé que la
manifestation aurait lieu dans les rues de Bucarest; quant à ceux qui avaient opté pour la salle, ils pouvaient s'y rendre.
Barbus, indiqua l'endroit où était rassemblée la Société des étudiants du Somes et Aurel Ludoseanu, ayant à la main un drapeau tricolore, cria: —Suivez-moi!
Dehors attendait une
masse énorme déjeunes. Chaque faculté avait sa colonne et des cordons
d'étudiants pour empêcher les
provocateurs de pénétrer parmi nous dans le but de compromettre la manifestation.
En dehors des noms cités
plus haut, je me rappelle encore les étudiants: Luputiu Coriolan, Stefan Tiberiu, Andrei Nicolae, Busneag de la Faculté
de Médecine Vétérinaire,
Roscoulesco Ion, Manesco de la Faculté de Médecine, Coconetz, Sanda Matei, Nicolae Martin de la
Faculté de Lettres et de
Droit, Eugen Ghimicesco, Valeriu Basarabeanu de l'Académie Commerciale.
Vers 10 h., l'immense
colonne se mit en marche sur le boulevard, en direction du Lycée Lazar. Arrivés là, une masse de gens venant du siège de la
Société du Somes, firent leur
apparition en costume transylvains, ayant à leur tête Ilie Lazar, ainsi qu'un corps de prêtres en
vêtements sacerdotaux.
Les prêtres, portant la
croix, se dirigèrent vers la Calea Victoriei, pendant que l'immense colonne ne cessait de clamer:
—Nous voulons notre Transylvanie ! —A bas le Diktat de Vienne! —Depuis le Dniestr
vers la Transylvanie! En même
temps étaient scandés d'autres
doléances en rapport avec les souffrances de ceux qui étaient restés de l'autre côté.
La colonne était tellement longue qu'on n'en voyait
pas la fin. Sur le
parcours, les gens aux fenêtres jetaient des fleurs aux manifestants. On entendait des cris de
«Bravo»! Ceux qui étaient sur le
trottoir se ralliaient à nous et la colonne ne cessait de grossir.
La première partie de la
colonne s'arrêta devant le Théâtre National. Ilie Lazar monta au balcon, en
s'adressant à tous:
—Frères, il est grand
temps que cessent les souffrances des roumains sous l'occupation hongroise. Les massacres n'ont plus de fin. Nos frères,
les bûcherons des anciennes forêts de Dragos sont torturés et bafoués».
Dans la rue il y eut des
scènes émouvantes. Hommes et femmes criaient à tue-tête: «Partons pour les libérer! A bas les allemands qui ont vendu
notre Transylvanie!» Des enfants de
moins de 15 ans pleuraient et criaient: «Nous voulons rentrer chez nous!» Les yeux de tous étaient exorbités et les visages
congestionnés à force de crier et de pleurer.
Ilie Lazar, le tribun de Maramures, s'adressa à la foule en disant: «Allons demander au
Maréchal, mon camarade de prison, de nous
restituer la Transylvanie. Il a promis que son retour s'effectuera par la
Bucovine pour libérer le Maramures.
Qu'il tienne parole si
c'est un homme!» J'étais
saisis par tout
ce que j'entendais et voyais. Je n'avais jamais eu l'occasion
auparavant de voir les foules décharnées. Je désirais suivre le
déroulement des événements.
Pendant que la foule
criait toujours: «Nous voulons la Transylvanie», «A bas le Diktat de Vienne», Ilie Lazar descendit de son balcon et la
colonne se mit en marche vers le Palais Royal. Un nouvel arrêt, de nouvelles protestations, une délégation qui se dirige
vers l'aile du Palais du côté de
l'Eglise Cretulesco, pour remettre un mémorandum au roi.
Ensuite, la colonne s'est mise à nouveau en marche,
accompagnée de slogans, vers l'Académie Commerciale, longeant la rue Clemenceau, où se trouvait le siège
du PNP. De la place Romana
jusqu'à la place de la Victoire on n'a scandé qu'une seule phrase: «A bas le Diktat de Vienne!»
Place de la Victoire,
une grande masse de gens était déjà rassemblée. Tout le monde criait: «Nous voulons la Transylvanie!», «A bas le Diktat de Vienne!»
Entre temps le Maréchal
était arrivé. Il est monté au balcon et une délégation, Borza en tête, s'est avancée pour lui remettre le mémorandum que nous
avions rédigé vendredi, à la Maison
des Étudiants. Il lui a remis le document en disant:
—Monsieur le Maréchal,
les étudiants roumains se rallient avec tout le dévouement à votre politique.
Beaucoup furent surpris.
On n'arrivait pas à y croire. Comment pouvait-il faire cette affirmation surtout maintenant que tout était dirigé
contre la politique dictatoriale?! Mais, en nous rappelant que samedi matin Borza avait été arrêté par la Sûreté,
nous nous sommes rendus compte que c'était le ministère de l'intérieur qui avait trouvé son homme.
Cette gaffe a coûté cher
à Borza. Il a été désavoué et remplacé par Barbus.
Le soir, la radio de
Londres annonçait qu'à Bucarest avait eu lieu une manifestation de protestation contre le Diktat de Vienne, à laquelle avaient
participé plus de 5000 étudiants.
***
Pendant l'été de 1943,
le lieutenant britanique Dunham est arrivé avec un appareil de transmission. Un
groupe qui transmettait des
informations en Occident s'était formé par Alexandru Stefanesco (le directeur d'une société), Grigore
Nalbantu (capitaine de gendarmerie), Criste Gheorghe (agent de police) et Sandu (Commandeur de
marine). Ce groupe soutenait
l'action anglo-américaine. La ville de Brasov, où une partie des
intellectuels de Cluj s'étaient
réfugiés, a connu une atmosphère de vie démocratique pendant la période 1940-1944, grâce au
groupe national-paysan et à
ceux qui partageaient leurs vues, réunis autour de la revue «Tara de mâine» (Le pays de demain). Ce groupe, formé en majorité
par des professeurs de l'Académie
commerciale de Cluj-Brasov, a rédigé un manifeste dès mars 1944: «Projet d'énonciation de
principes et de programmes», dans lequel on abordait tous les aspects de la vie politique, sociale,
économique et culturelle du pays à cette date. Le manifeste était contre la guerre, le fascisme, les mouvements
totalitaires, en un mot contre toutes les dictatures, affirmant le pluralisme politique et l'équité sociale. En ce qui
concerne l'économie, il était orienté vers les formes de libéralisme et de libre coopération du socialisme agricole à la
campagne.
Au manifeste rédigé par
le prof. Victor Jinga, Alexandru Herlea, Vasile Gionea, se sont associés en apposant leur signature: Prof. Augustin
Tataru, Mihai Tartzia, Ion Tocitu, Laurian Somesan, av. Gheorghe Voisianu, Gheorghe Fodoreanu, Emil Pasco, Cornel Pop, Gheorghe Vranceanu. Ce manifeste fut remis à plusieurs personnalités politiques:
Iuliu Maniu, I. Mihalache, Mihai Popovici, Petru Groza, Mihai Ralea et d'autres encore. Le manifeste
fut imprimé à l'imprimerie
"Garneatza" à Brasov et tiré à 2000 exemplaires. Il fut diffusé début juin 1944 et a connu une grande audience auprès des
intellectuels.
L'acte de courage de ces
intellectuels de marque, dont beaucoup allaient connaître par la suite les camps communistes d'extermination, eut
aussi un écho dans les rangs des
confrères bucarestois, qui ont rédigé un mémorandum au mois d'avril, dit-on, mais que le Maréchal
ne reçut qu'au mois d'août 1944.
Le mémorandum de Bucarest, qui a été signé par un grand nombre de professeurs
universitaires, dont certains ont aussi connu par la suite les prisons communistes, n'a pas bénéficié de l'adhésion du
public. Il est vrai qu'il ne proposait pas de solutions comme le manifeste de Brasov. Aussitôt après le 23 août, Mihail
Ralea est venu à Brasov, proposant
aux signataires du manifeste de participer à la création d'un parti socialiste-paysan, mais il ne reçut qu'une réponse évasive.
Mihail Ralea publia le
texte du manifeste avec de petites modifications, servant de plate-forme au nouveau parti socialiste-paysan, en le
signant avec quelques uns de ses amis. Il signa de son propre chef le nom des 3 professeurs de Brasov qui avaient rédigé
le manifeste: V. Jinga, A. Herlea et V. Gionea, sans leur demander leur consentement. Ceux-ci ont protesté avec
véhémence contre ce procédé, publiant un démenti dans le journal «Gazeta Transilvaniei» (La gazette de la
Transylvanie).
Petru Groza vint
plusieurs fois à Brasov avant le 6 mars 1945, pour proposer à A. Herlea et V. Jinga une collaboration et des postes au
ministère dans le nouveau gouvernement qu'il préparait. Par la même occasion, Petru Groza a affirmé
que le Frontul Plugarilor (Le front des laboureurs) disparaîtrait en même temps que le parti
communiste et le problème de la légalité d'Etat n'aurait aucune priorité devant les réformes.
Devant ces affirmations,
Herlea et Jinga ont cessé de discuter avec Groza. Le Front des laboureurs a ensuite fusionné avec le parti de Ralea.
Ce manifeste audacieux
conçu à Brasov, qui pouvait avoir de graves répercussions pour ses initiateurs, préconisait un nouvel ordre social et
économique avec des réformes radicales dans tous les domaines. Avant tout, on
préconisait la suppression de la dictature militaire, en insistant sur une organisation démocratique de
l'état. La politique était conçue
comme une «école de la nation», école pour former des caractères et élever l'individu à la
conscience d'un devoir
supérieur envers soi-même et envers la société. L'accent était mis sur la nécessité d'assurer la
liberté pour toutes les
manifestations de l'esprit, en s'opposant à toutes les réformes qui pourraient la limiter.
On était contre l'exploitation du
travail et l'accumulation des
richesses au détriment des autres. «Nous voulons, dit le manifeste, la
suppression de toutes les barrières économiques entre les classes sociales et leur disparition pour réaliser une seule
communauté unie dans les mêmes intérêts et le même idéal.
On préconisait également
la création d'un état social de producteurs, en éliminant les intermédiaires parasites et inutiles, parce que seul le
travail peut légitimer les droits du citoyen et la propriété. On demandait des droits pour la femme, dans des conditions de
parfaite égalité avec les hommes.
Une attention spéciale
était accordée à la paysannerie, la base sociale du pays, sans pour autant négliger les ouvriers, la nouvelle classe en
ascension. On affirmait: «Qu'on accorde à l'ouvrier qui travaille dans les ateliers, fabriques, usines, chantiers, et qui est un
facteur très important dans la société,
la production et les transformations d'aujourd'hui et de demain, tous les droits politiques.
Qu'on lui assure la
participation à la gestion de l'entreprise, qu'il bénéficie de tous ses droits
légitimes, salaire juste, hygiène du travail et de l'habitat, niveau de vie décent, intense assistance culturelle, sociale et
médicale.»
Tenant compte du principe
de l'équité sociale, le manifeste préconisait la nationalisation des grandes entreprises, richesses du sol, hôpitaux,
etc.
La nécessité de la
réforme agraire s'impose, limitant la superficie à 50 ha. par personne, la terre devant appartenir à ceux qui
la travaillent et qui dépendent d'elle. Toutes ces nationalisations et réformes se feront dans
le respect du principe de
l'équité, l'état s'obligeant à dédommager les anciens propriétaires. La propriété sera
garantie par la loi et des mesures seront prises pour stimuler l'initiative privée et non pas la limiter.
Les professions libérales se regroupent en
catégories professionnelles,
la rémunération des services doit prendre en
considération la qualité
du travail. Les
artisans vont s'organiser dans
des coopératives, sur le principe de la libre association.
On prévoit la réforme de
l'administration qui doit être simplifiée et rationalisée pour que chaque
citoyen soit à même de recevoir
des prestations honnêtes et rapides.
Est prévue aussi
l'organisation de l'assistance sociale (Sécurité Sociale) pour toutes les personnes inaptes au travail. Il y aura des assurances
sociales obligatoires avec la
participation de l'état pour toutes les personnes qui travaillent dans l'agriculture, l'industrie, le
commerce ainsi que pour les
intellectuels.
L'état devrait commencer
le plus rapidement possible la
construction de logements confortables et hygiéniques pour les membres de la société.
L'assistance médicale
obligatoire et gratuite doit être garantie.
L'enseignement sera
gratuit à tous les niveaux et l'enseignement général obligatoire. Les étudiants et les élèves méritants bénéficieront d'une
bourse, ainsi que ceux dont les revenus
sont insuffisants.
J'ai extrait ici
seulement quelques unes des réformes essentielles préconisées dans le manifeste, qui n'avait négligé aucun aspect de la vie
politique économique, sociale, religieuse et culturelle.
Le manifeste souligne
encore que toutes ces réformes radicales ne seront possibles qu'en respectant la plus stricte légalité: les réformes suivent la
loi, ne la précèdent pas. La valeur du manifeste réside non seulement dans les réformes, mais dans la mise au
point des formes, du cadre et des
structures juridiques nécessaires à la réalisation des nouvelles structures. L'esprit juridique
et la compétence de ceux qui ont
rédigé le manifeste est à souligner.
Sur le plan
international, on prévoit l'intégration du pays dans la vie internationale, en préconisant l'union internationale des législations
fondamentales civiles, commerciales, pénales et sociales.