LE PACTE DE METTRE EN VENTE LES PEUPLES

Protocole secret annexe

l. En cas de rajustement territorial et politique dans les régions des États baltes (Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie), la frontière nord de la Lituanie marquera la limite des sphères d'influence de l'Allemagne et de l'U. R. S. S. A cet égard, l'intérêt porté par la Lituanie sur la zone de Vilna est reconnu par les deux parties.

2.  En   cas   de   rajustement   territorial  et  politique dans  les régions  appartenant  à  la  Pologne, les sphères d'influence  de l'Allemagne  et de l'U.   R.   S.  S.  seront approximativement délimitées par la ligne formée par les rivières Narew, Vistule et San.

Si les intérêts des deux parties rendent souhaitable le maintien d'un État polonais indépendant, les fronti­ères d'un tel État ne pourraient être délimitées qu'au cours du développement des événements politiques futurs.

En toute éventualité, les deux gouvernements ré­soudraient cette question par voie de discussions ami­cales.

3.       Au   sujet   de   l'Europe  du  Sud-Est,  les  Soviets  tiennent  à marquer l'intérêt qu'ils portent     à la Bessarabie.   L'Allemagne   déclare   ne   témoigner  d'aucun  in­térêt politique pour ces régions.

4.    Les deux parties s'engagent à considérer ce pro­tocole comme strictement secret.

Moscou, le 23 août 1939

Pour le Gouvernement du Reich, v. RIBBENTROP

Plénipotentiaire du Gouvernement de l'U. R. S. S.,

  v. Molotov                                                                                                                     

 

 

LE DECHIREMENT DE LA ROUMANIE

L'armistice de la guerre '14-'18 a créé des mécontents à la suite des traités de paix imposés par les vainqueurs. Ce nouvel état d'esprit engendrera de nouvelles doctrines politiques qui aboutiront à des désirs de revanche.

Le bruit des armes conduisait k envisager la création d'un nouvel ordre tant dans le continent européen si éprouvé que dans l'Extrême Orient. Les états totalitaires, expression des dictatures instaurées à Berlin, Rome et Mos­cou, étaient d'accord sur le plan interne pour mener une politique de suppression des libertés et d'oppression des peuples, pendant que sur le plan externe, ils s'engageaient sur la voie du révisionnisme, du changement des frontières et de l'occupation des autres nations.

Face à l'agitation qui régnait dans les trois capitales, l'inquiétude grandissait devant les forces de l'ordre qui ré­primaient avec brutalité toute opposition. Personne ne se sentait plus en sécurité dans le milieu de ceux qui voulaient imposer le nouvel ordre.

La délation était promue au rang de vertu civique et les arrestations, déportations et exécutions étaient cette fois-ci à l'ordre du jour.

Staline, dans sa répression dirigée contre tous, avait fait disparaître 17 millions d'êtres humains, pour conso­lider sa position de chef incontesté.

Staline et Hitler, qui se tâtonnaient sur le plan mili­taire en Espagne, n'hésitaient pas à recourir dans leurs pays à la violence, à des emprisonnements sans aucun procès préalable, enfin à la construction de camps de concentra­tion.  Ils   assassinaient et pratiquaient un racisme sans limites.

Ceux qui étaient sans défense étaient à la merci de ceux qui détenaient la force.

Après l'occupation de l'Autriche par l'Allemagne, la même année, le 30 septembre 1938 à Munich, les démo­craties occidentales firent des concessions aux dictateurs, ouvrant la voie à une deuxième guerre mondiale à ceux qui étaient assoiffés de domination. Pour leur propre tranquillité, les grandes puissances cédèrent ce qui ne leur appartenait pas. Ainsi, l'Allemagne reçut une partie du terri­toire tchécoslovaque. L'Axe Rome-Berlin conclu en 1936 entrait en vigueur et obligeait, à partir du 2 novembre 1938, le gouvernement tchécoslovaque à céder par l'ar­bitrage de Vienne, à la Hongrie, une partie de la Slovaquie, en récompense de son soutien à la politique révisionniste.

C'était le début. Pour l'Europe, l'année 1939 fut l'année décisive. Des territoires et même des états sans dé­fense furent démembrés. L'Allemagne incorpora la Bohè­me, la Moravie, le Memel, alors que l'Italie, après l'annexion de l'Abyssinie (1936), occupa même l'Albanie. La Hongrie profita de ces troubles pour agrandir son territoire de l'Ukraine subcarpatique et les polonais occupèrent la région Técin, également en Tchécoslovaquie.

De son côté la Russie observait les troubles du centre de l'Europe tout en restant dans l'expectative.

A la surprise générale, le 23 août 1939, le pacte de non agression fut conclu à Moscou entre l'Allemagne et la Russie, ce qui laissa le champ libre en Pologne à Hitler. Les deux dictateurs avaient des intérêts communs en ce qui concerne les avantages territoriaux. Dans le protocole secret annexé à ce traité on a délimité les zones d'intérêt des deux partenaires dans l'Europe de l'Est:

1.  Dans le cas de changements sur les territoires appar­tenant aux pays baltes (la Lituanie, Lettonie, Estonie et Finlande) ,1a  frontière  Nord  de la Lituanie constituait la limite des intérêts germano-russe.

2.  Pour la Pologne,   dans le cas similaire, la limite des intérêts se fixera sur la Vistule.

3. Pour ce qui est du Sud-Est de l'Europe, la Russie a marqué sa préférence pour la Bessarabie, territoire rou­mains, déclaré   sans   intérêt   politique   par   les   allemands.

***

A cette époque, Joseph Broz Tito, qui se trouvait à Moscou, avait accepté la nouvelle orientation politique de collaboration entre le communisme et le nazisme, comme l'ont fait d'ailleurs aussi tous les dirigeants communistes des autres pays.

En ce qui concerne l'attitude des communistes roumaIns, voici ce qui nous est relaté dans les «Annales d'his­toire» année XXIII—nr. 2/1977', p. 12-13, sous la signature de Ion Popesco Puturi: «Dans les directives du Komintern 1939-1940 données par le PCR, au lieu d'apprécier la juste lutte de notre parti menée contre la guerre hitlériste et de faire appel à tous pour l'intensifier, des criti­ques ont été exprimées à l'adresse du parti sur l'activité déployée contre l'agression allemande et ses agents —La Garde de Fer— en Europe, encourageant la collaboration avec ce mouvement...» et plus loin «...contre certaines af­firmations fausses pendant cette période qui soutenaient que le réel danger venait de l'impérialisme anglo-français et non du hitlérisme.»

Staline a réussi par ce traité à dresser Hitler contre la France dans l'espoir que l'Allemagne en sortirait af­faiblie, sinon vaincue, ce qui allait faciliter les visées fu­tures de la Russie.

Le 1er septembre 1939, Hitler attaquait la Pologne, déclenchant la deuxième guerre mondiale.

Aussitôt l'Angleterre et la France déclaraient la guerre à l'Allemagne.

Au cours d'une campagne éclair, l'Allemagne vainquit les polonais et, pour profiter des avantages territoriaux conformes   au   protocole   secret,   les   russes   pénétrèrent en Pologne de l'Est, réalisant le quatrième partage de ce pays dont l'histoire est si dramatique.

Immédiatement, le 10 septembre, l'ambassadeur d'Allemagne à Moscou remit aux soviétiques une note précisant que son pays éprouvait un intérêt vital pour le pétrole et le blé roumain. Molotov répondit disant que l'URSS ne pouvait admettre les intérêts exclusifs de l'Al­lemagne en Roumanie et désirait vivement s'approcher (s'approprier) le sud de la Bucovine. Staline réclamait de lui laisser les mains libres en Roumanie. La menace de rayer notre pays de la liste des nations n'était pas une in­vention, elle avait été formulée en termes précis. En même temps, Hitler avait mis sur pied avec Staline un plan pour se partager le monde. Il offrit aux russes un débouché sur le golfe Persique, la Mer Rouge et l'Océan Indien et aus­si de soutenir les russes aux Indes. La Russie reconnaissait la main-mise d'Allemagne sur les états de l'Europe cen­trale.

La Pologne en agonie était envahie sur toute la lon­gueur de sa frontière avec la Russie à partir de la Dvina jusqu'au Dniestr . Les armées rouges ont essayé dès le dé­but d'isoler le pays de la Roumanie, ainsi que de la Hongrie, en racontant à la population qu'ils venaient aider les ou­vriers polonais dans la lutte de libération contre les grands propriétaires et les capitalistes. Une armée barbare en lo­ques était venue libérer un peuple qui possédait une an­cienne tradition culturelle et religieuse.

Toute l'humanité a pris connaissance de cela. Elle s'est tue, elle a accepté. Une avalanche d'individus qui n'avaient même pas le respect de leur propre personne, et qui n'a­vaient aucune morale, avaient assailli l'Europe. Le chaos était en train de s'installer après le déferlement de la premiè­re vague.

Immédiatement après, les russes sous Nikita Hrousciov, ont commencé la politique de soviétisation de cette région. Le futur maréchal Timoscheanko a rassemblé tous   les   soldats polonais de la région occupée, pour les envoyer en prison et aux travaux forcés à l'intérieur de la Russie. Le nombre des officiers disparus se chiffre à 15.000, dont 4.000 ont été exécutés par le NKVD à Katyn, près de Smolensk. Un nombre de 200.000 prisonniers polonais ont été transportés dans des wagons à bestiaux. Beaucoup d'entre eux sont morts, d'autres, après l'offensive de l'Al­lemagne contre les russes, ont traversé l'Iran pour se rendre au Moyen Orient, où ils ont constitué l'armée polonaise qui a continué la lutte aux côtés des alliés.

La Roumanie sous Carol II  signe un accord écono­mique avec l'Allemagne pour se rapprocher de celle-ci, en mars 1939. Certains voyaient dans cet   accord une garan­tie  contre  les  prétentions  des  russes.  Mais  Iuliu Maniu, qui  était un esprit clairvoyant, s'y opposa, envoyant un mémorandum   au   roi   dans   lequel   il   attirait   l'attention sur  les   répercussions  de  cet  accord  sur la souveraineté et l'indépendance de l'état roumain et sur les futures impli­cations dans la politique externe de la Roumanie. Des con­cessions économiques furent faites sans que pour autant des   garanties   concernant  nos   frontières   soient   exigées. Une    année   après,   lorsque   l'accord   germano-russe fut signé, le 23 mars 1940, Molotov commença avec le con­sentement de l'Allemagne,  à occuper la Bessarabie. Quel­ques mois après, la même Allemagne donnera à la Hongrie et à la Bulgarie d'autres régions de notre pays. Ainsi donc les prévisions de Iuliu Maniu s'avéraient justes.

Le 9 avril 1940 l'Allemagne envahit le Danemark et la Norvège, avec l'assentiment de la Russie et le 15 .avril, face à cette situation, les Anglais débarquèrent à Narvik, en Norvège pour constituer une tête de pont dans cette région. Dans la cohue, les allemands envahirent la Belgique, la Hollande et le Luxembourg le matin du 10 mai de la même année 1940.

Après l'occupation de tous ces pays, des dizaines de milliers de réfugiés ont pris le chemin de l'exil vers l'An­gleterre  et  l'Amérique avec parmi  eux des  espions nazis qui voulaient continuer la lutte dans la soi-disant Verne colonne.

Le 17 juin, la France demande l'armistice et les russes occupent le 19 juin 1940 les Pays Baltes (la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie) sous prétexte que ces territoires ne doivent pas constituer un éventuel tête de pont pour ceux qui auraient voulu les attaquer. Mais à la lumière de l'histoire il s'est avéré que les russes ouvraient ainsi un front étendu sur la Mer Baltique.

A. Jdanov, qui a dirigé les opérations pour occuper ces pays, a transporté 170.000 hommes en Sibérie dans des wagons à bestiaux. Immédiatement après il a organisé des élections dites «libres» selon lesquelles, après une pro­pagande mensongère menée par les russes, tous auraient demandé dans l'enthousiasme l'annexion de leur pays à l'U­nion Soviétique. Profitant de la défaite de la France, et pour donner viabilité au dernier point du protocole secret, la Russie incorpore la Bessarabie et la Bucovine du Nord, provinces roumaines, le 26 juin 1940.

Aujourd'hui, après 45 ans qui nous séparent de ces événements, à l'église orthodoxe de Paris vous pouvez lire ceci en ce qui concerne ce rapt: «Roumains, dites à vos enfants qu'en 1940 des terres et 2,5 millions d'â­mes roumaines ont été arrachées à la PATRIE par des menaces, par la force et la violence, ensuite envahies». De cette population arrachée à la patrie plus de 100.000 roumains ont été conduits sur le chemin sans retour de la Sibérie.

En cette période où l'Allemagne gagnait sur tous les fronts, une certaine Edith von Coller se déplaça de Berlin dans l'intention de contacter des personnalités politiques influentes pour les amener à la politique du Reich. Elle essaya plusieurs fois d'avoir une entrevue avec Iuliu Maniu, mais sans succès. Un jour elle est allée au 19,Boul. Schitu Magureanu où se trouvait le président du PNP (Parti Na­tional Paysan) à Bucarest, demandant à Victor Anca d'ê­tre présentée  à Iuliu Maniu. Au cours de cette entrevue, la messagère allemande voulut mettre en évidence la supé­riorité militaire des allemands et leur décision d'instaurer un nouvel ordre. Iuliu Maniu répondit que la Roumanie devait l'intégrité de son pays à la Grande Bretagne et à la France et qu'elle serait aux côtés de ces puissances occidentales qui finiront par gagner la guerre. Fidèle à sa politique vis-à-vis des démocraties occidentales, Iuliu Maniu parla ouvertement, émettant des doutes, quant aux succès passagers des allemands, à l'assujettissement d'autres peuples, affirmant que cet assujettissement ne pourra pas durer,   et  que  l'Allemagne   finirait  par perdre  la  guerre.

Poursuivant sa politique de démembrement de la Rou­manie, l'Allemagne céda des surfaces» importantes de notre pays à la Hongrie et à la Bulgarie.

Le 30 août 1940, dans la capitale de l'Autriche, la délégation roumaine, sous la pression des forces militaires germano-hongroises massées à la frontière de la Roumanie, fut obligée de signer le Diktat de Vienne. Par cet acte im­posé de force, 44.000 km2 ont été arrachés à la Transyl­vanie, le berceau du peuple roumain, et cédés à la Hongrie. Consterné, Iuliu Maniu envoya à Hitler et Mussolini le 1er Septembre, un mémorandum protestataire condamnant sévèrement la politique abusive de décimation et de mor­cellement du territoire roumain.

Avec l'entrée des troupes hongroises en Transylvanie du Nord, un drame s'est déclenché qui a duré 4 ans. Ceux qui ont fui l'envahisseur ont eu à affronter les difficultés d'une nouvelle vie. Quant à ceux qui sont restés près de leur terre et dans leur petite maison, ils ont vécu et subi des humiliations qui ne seront jamais oubliées par la vérita­ble histoire de notre peuple. En première ligne, l'usage de la langue roumaine a été complètement interdit. La po­litique anti-nationale a été menée avec une cruauté digne des barbares. Les intellectuels ont été arrêtés, torturés, enfermés dans des wagons à bestiaux, plombés et envoyés en Roumanie. Aux enfants, on a donné des noms hongrois et  l'enseignement   à  tous   les   degrés  était  obligatoire en  langue hongroise. Plus de 30.000 hommes et femmes de la population apte au travail ont été envoyés aux travaux forcés en Allemagne et d'autres dizaines de milliers ont pris le chemin des camps hongrois. Les paysans ont été chassés de leurs terres. Et il faut noter que tous ces abus se faisaient avec le parfait accord de Berlin.

Mais les atrocités supportées par la nation n'allaient pas se terminer là, Hitler ayant aussi donné aux bulgares une part de la terre roumaine. Ainsi, après les tractations de Craibva, le 7 septembre, on fut obligé de céder les dé­partements de  Durostor et Caliacra au Sud de la Dobroud.

La situation était désastreuse. Le roi Carol II, après s'être joué de son pays et après avoir transformé les hommes politiques en marionnettes équipées d'uniformes qu'il con­duisait à la baguette, s'est vu obligé d'abdiquer le 2 sep­tembre 1940 en faveur du roi Michel, son fils.

Profitant du chaos politique créé à la suite du démem­brement du pays, un gouvernement légionnaire s'est instal­lé à la tête de l'état, ayant comme chef le général Ion Antonesco. Le nouveau gouvernement a demandé aussitôt après à l'attaché militaire allemand de Bucarest des troupes alle­mandes, du matériel de guerre et des instructeurs militaires, qui sont arrivés le 10 octobre de la même année. Dans les 4 mois qui suivirent, le nombre des militaires allemands installés sur notre territoire atteignit le chiffre impressionnant de 700.000 soldats.

Suivant la ligne d'expansion territoriale, Mussolini envahit la Grèce le 6 octobre 1940, après avoir commencé l'offensive en Égypte, le 14 septembre.

Protestant contre l'adhésion sans réserve au Pacte Tri-partite le 23 novembre 1940, par lequel le régime Antonesco s'obligeait à soutenir par tous les moyens militaires, poli­tiques et économiques, les puissances de l'Axe, Iuliu Maniu soulignait que le Parti National Paysan «ne peut approuver la situation dangereuse et humble... à côté du Pacte Tri-partite qui    met le pays en fâcheuse position, presque en état de guerre, avec les démocraties occidentales, mais sans la moindre allusion pour sauver la partie arrachée à la Transylavanie».

Le 27 novembre 1940, 65 personnes ont été fusillées sans jugement préalable au fort de Jilava, certaines d'entre elles ayant été arrêtées sans mandat d'arrêt.

La même année, le 4 décembre, Iuliu Maniu proteste contre l'assassinat de Virgil Madgearu et Nicolae Iorga. Le 1er décembre 1940 l'avocat Iosif Toma Popesco a été chez Iuliu Maniu, qui à cette date habitait rue Sfintilor. Après avoir félicité le président du Parti National Pay­san pour sa contribution au ralliement de la Transylvanie au pays, le 1er décembre 1918, en réalisant ainsi le vieux rêve d'une Roumanie unie, I.T. Popesco a exprimé son regret et sa tristesse que cet anniversaire ne puisse plus avoir lieu étant données les circonstances. Mais il a souli­gné que le pays traversait des moments difficiles et que ce n'était que le début.

De même il a affirmé que «la Russie serait attaquée par les Allemands, malgré l'accord conclu en 1939 et que la Roumanie connaîtrait de grands malheurs parce que les démocraties occidentales seraient obligées de faire front commun avec l'URSS, et que par la suite, dans les futures négociations, les petits pays seraient sacrifiés. Le maintien de la route vers l'Inde par le canal de Suez fera couler beaucoup de larmes chez nous».

 

IULIU MANIU LE SYMBOLE DE L'INDEPENDANCE ROUMAINE

Après l'évincement du régime dictatorial de Carol II, Maniu et C.I.C. Bratianu se sont adressés au général Ion Antonesco, en novembre 1940, pour protester parce que celui-ci voulait empêcher les activités des partis politiques. Us ont voulu montrer que «si les citoyens ont été saisis de panique et se sentent désorientés c'est parce que des personnes sans aucune morale ont mal agi et que le rôle de nos partis devient de plus en plus nécessaire».

Quand la Roumanie fut obligée, par le Diktat de Vien­ne,   de  céder une partie de la Transylvanie, Iuliu Maniu adressa  à   plusieurs  reprises  des   mémorandums   protesta­taires à Hitler et à Mussolini. Par le mémorandum du 28 décembre   1940 il revendiquait les droits incontestés des roumains en précisant: «Au nom de la Transylvanie et du Banat  nous  protestons solennellement et de manière so­lidaire  contre l'amputation du territoire roumain et spé­cialement  contre la séparation d'une partie si importante de la Transylvanie d'avec la Roumanie. Nous demandons que   les   décisions   proclamées   à   l'Assemblée   Nationale qui ont eu lieu le 1er décembre   1918 à Alba Iulia soient respectées.   Nous   demandons  l'annulation   de  l'arbitrage de Vienne et la rétrocession de l'entier territoire de la Tran­sylvanie, occupé par les hongrois. Nous affirmons notre vo­lonté de vivre libres et indépendants sur notre vieille terre et  de  défendre  par tous les moyens et  avec le sacrifice suprême,  notre patrimoine national...  Le peuple roumain ne pourra jamais renoncer et à aucun prix à l'aspiration de vivre au sein d'une nation unie ensemble avec tous ses fils partout où ils se trouvent en majorité et en continuité territoriale avec la masse de la roumanité. Ce droit impres­criptible et sacré du peuple roumain ne pourra disparaître qu'avec lui.» (Arch. de l'état, Fond. La maison Royale, dossier 1/1941; p. 4-34).

Mais la machine de guerre passa indifférente sur son chemin. Le 1er mars 1941, les troupes allemandes traversent le Danube et s'installent sur des positions le long de la frontière gréco-bulgare, et le 25 mars 1941 Drag Cvetkovic fait adhérer la Yougoslavie au Pacte Tripartite, pour être renversé deux jours après par Dusan Simovici. La nouvelle situation créée ne convenait pas à l'Allemagne. Hitler attaque la Yougoslavie et entraîne les pays voisins dans sa marche, en leur offrant des avantages territoriaux. Ainsi, l'Italie aura la promesse d'obtenir la côte Adriati­que, la Hongrie le Banat Serbe et la Bulgarie aura la Macé­doine.

Dans cette situation, Antonesco déclara qu'il n'ad­mettrait jamais que le Banat Serbe soit occupé par les hongrois, ce qui décida Hitler à renoncer à l'aide de la Hon­grie. Aussi Antonesco refusa d'aider l'Allemagne à écraser la Yougoslavie, quand à la fin du mois de mars de la même année, la Yougoslavie est envahie et les Balkans tombent sous la domination allemande, dont les armées sont arri­vées jusqu'à l'île de Crète.

De son empire où il est seul à faire la loi, Staline suit avec prudence et discrétion le cours des événements. Pré­voyant l'imminente guerre avec l'Allemagne, il conclut le 13 avril 1941, le pacte de neutralité russo-japonais.

A ce moment de l'histoire, l'Europe était entièrement sous la coupe de l'Allemagne et de l'Italie. Elle allait mainte­nant «mettre de l'ordre», à l'Est aussi.

La Russie est attaquée le 22 juin 1941. La Roumanie est à côté de ces deux puissances pour reconquérir la Bes­sarabie et la Bucovine. Le point de vue de Iuliu Maniu était juste et logique en la circonstance, ainsi a-t-il adressé un mémorandum au gouvernement d'Antonesco le 23 juin, dans lequel il demandait que les troupes roumaines n'aillent pas lutter au-delà du Dniestr. Antonesco lui a répondu que la guerre prendrait fin lorsque l'ennemi serait vaincu. L'armée, qui ne suivait pas cette idée, a manifesté son mé­contentement. Nombre de généraux ont été évincés: N. Ciuperca, I. Iacobici, Alex. Oraseanu, N. Tataranu, N. Palangeanu et d'autres encore.

A ce moment-là, des troupes russes étaient massées le long de la frontière et les troupes nazies étaient déjà sur notre territoire, dans tous les cas, la Roumanie était destinée à devenir un champ de bataille.

Le problème qui se posait était de choisir entre les deux. Mais les Roumains savaient, par propre expérience, que la victoire de l'Union Soviétique se traduirait par leur mise en esclavage. L'URSS s'était considérée comme pro­tectrice de tous les traîtres roumains. Et en même temps, pas un seul roumain ne pouvait oublier non plus les ravages et les barbaries qu'avaient commis la Russie s'emparant des provinces roumaines, et tous savaient aussi que l'URSS signifiait le désordre, le pays arriéré où l'on trouvait toute la crasse de l'Orient pendant que l'Allemagne en com­paraison, avec tous ses défauts, apparaissait comme le pays de l'ordre et de la propreté.

En 1941 au printemps, le Ministre allemand Luther a proposé au Maréchal Ion Antonesco des compensations (territoriales) à l'est de Dniestr pour qu'il n'y ait plus de re­vendications de la Transylvanie du Nord envahie par les hongrois.

La magistrale plaidoirie de Mircea Vulcanesco devant la Cour d'Appel de Bucarest, le 15 janvier 1948, reprit la magistrale plaidoirie du Maréchal prononcée le 25 juillet 1942, lors de la séance du Conseil des Ministres:

«Situé depuis des millénaires dans les Carpathes, le peuple roumain n'est pas un peuple de steppes et le ber­ceau de la nation roumaine ne peut pas constituer un ob­jet soumis à l'échange. Ni Mihai Antonesco, ni le Maré­chal n'ont renoncé à la Transylvanie du Nord. Cela constitue une position irréductible».

L'attaque allemande a déterminé les russes à conclure un accord avec les anglais, qui a été signé le 12 juillet 1941.

L'offensive des alliés allemands fut menée jusqu'à Moscou, le 26-10-1941.

En Extrême Orient on a su que les japonais n'avaient pas l'intention d'attaquer la Sibérie, mais qu'ils voulaient aller vers le Sud à travers la Chine, situation qui arrangeait les russes.

Le 1er décembre, l'Angleterre envoie à la Roumanie un ultimatum lui demandant de retirer ses troupes en-deça du Dniestr et le 7 décembre elle nous déclare la guerre. A la même date, le Japon attaque Pearl Harbour et les Etats-Unis s'engagent dans la guerre qui entre dans une nouvelle phase.

La Roumanie qui faisait partie du Pacte Triparti te, dé­clare à son tour la guerre aux Etats-Unis le 1er décembre

1941.

Iuliu Maniu, qui était partisan d'une guerre limitée pour reconquérir les territoires arrachés par la Russie, envoya un mémorandum au général Antonesco en lui di­sant: «Après la reprise de la Bessarabie et de la Bucovine, vous n'avez pas le droit d'engager la Roumanie dans une guerre idéologique contre la Russie, dans le champ des puis­sances de l'Axe. Vous commettez un crime en jetant les forces roumaines dans le combat qui se déroule sur le sol soviétique».

La déclaration des Nations Unies a été signée le 1er janvier 1942 par 26 états qui mettaient en commun sans réserves, toutes leurs ressources dans la lutte contre les agresseurs. Le canal de Suez était, ainsi que l'Égypte, menacé par les troupes allemandes conduites par Rommel. Devant cette situation, les représentants américains et an­glais se sont rencontrés à Londres le 18 juillet, et tombè­rent d'accord pour débarquer en Afrique. Bénéficiant des accords de prêt, les russes reçurent des aides massives de la part des américains, ce qui fait que le 19 novembre, 1942, les armées russes déclenchèrent l'offensive sur le front de Stalingrad. Une première grande victoire fut la capitu­lation des troupes allemandes, conduites par le maréchal Von Paulus, le 31 janvier 1943. La guerre sur le front de l'Est avait radicalement changé et les armées allemandes restèrent sur la défensive jusqu'à leur capitulation.

La guerre était maintenant défavorable aux allemands. La même situation en Afrique détermina Churchill et Roosevelt à arranger une rencontre à Casablanca, entre le 14-16 janvier 1943. Ils décidèrent de continuer la guerre en Eu­rope, par l'ouverture d'un front en Occident. En dehors du débarquement prévu pour 1944 en France, ils mirent au point un autre plan plus urgent, en Sicile.

Dès le 15 mars 1943, Roosevelt et Eden se mirent d'accord pour laisser aux Russes à titre définitif la Bessara­bie, la Bucovine et les territoires finlandais dont ils s'étaient emparés en 1940. Quand en février 1945, à la Conférence de Yalta, Roosevelt réclama un plébiscite dans ces territoi­res, Staline répondit immédiatement que le plébiscite avait déjà eu lieu en 1940... quand ces territoires furent ravis avec l'accord des allemands.

Les offensives aériennes menées contre le 3ème Reich prévoyaient déjà que la fin de la guerre allait se passer sur le terrain de l'agresseur.

Au printemps de l'année 1943, Anthony Eden déclara que la Grande-Bretagne ne reconnaissait pas le Diktat de Vienne.

Entre le 12-13 avril 1943, au cours des entretiens Hitler-Antonesco, le premier exprimait ses convictions quant à l'issue de la guerre:

—Victoire pour les puissances de l'Axe. —Destruction totale de l'ennemi.

En attendant, la résistance des allemands sur le front russe diminuait de jour en jour grâce aux bombardements anglo-américains qui détruisaient d'un côté toute l'indus­trie de guerre nazie, et de l'autre, les voies de communi­cations  qui alimentaient le  front russe.  Les troupes allemandes  de l'Ouest étaient amenées à l'Est pour essayer d'arrêter l'offensive russe.    Dans sa folie, Hitler poussait toutes  les forces de l'Axe dans la guerre de destruction totale. En même temps, Hitler demanda la démission de Mihail Antonesco de ses fonctions de ministre des affaires étrangères et vice-président du Conseil des Ministres en ce temps-là. Ceci parce que M. Antonesco, à la suite d'une discussion avec l'ambassadeur de Turquie à Bucarest, au mois  de janvier, avait affirmé que les allemands auraient peur des russes, ce qui les mènerait à un compromis. Mi-hai   Antonesco, de  son côté,  essaya de contacter diffé­rents  cercles diplomatiques à l'étranger. En outre l'Alle­magne  était  informée  de l'état  de mécontentement  qui régnait  en  Roumanie et de l'opposition de Iuliu Maniu, qui voulait sauver le pays du désastre, par des pourparlers menés avec les anglais, les américains et les russes. Hitler demanda des mesures draconiennes, affirmant qu'une telle trahison demandait la peine de mort. Le dictateur précisa qu'en Allemagne un homme comme Maniu aurait été de­puis longtemps pendu!

Se rendant compte de la fin inévitable de Hitler, Mihai Antonesco essaya à la fin du mois de juin 1943, de s'entendre avec Mussolini pour sortir la Roumanie de cette guerre. Mussolini n'y était pas hostile, mais il jugea que le moment n'était pas opportun.

De son côté Iuliu Maniu avait essayé dès 1942 de prendre contact avec les anglo-américains à Lisbonne, le Caire, Stockholm, Madrid et Berne. Ce n'est qu'à l'au­tomne 1943, qu'ont commencé les discussions entre les partis d'opposition pour la constitution d'un front des par­tis démocrates, contre le régime antonescien. Lors d'une discussion avec Lucretiu Patrascanu, Iuliu Maniu lui a de­mandé de convaincre les représentants communistes d'in­tercéder auprès des russes pour que nous soit rendue la Bessarabie. A cette proposition, Patrascanu eut tellement peur, qu'il n'essaya même pas de poser le problème.