LE REDRESSEMENT DE L'EUROPE

 

Le 1er mars 1947, Truman annonça son plan d'aide à la Grèce et à la Turquie, pour les protéger contre les activités terroristes dangereuses et en accroissement. Cette aide eut pout but d'empêcher ce qui s'était passé en Rou­manie, Bulgarie, Hongrie et Pologne. En plus, la Grèce était menacée par les voisins qui voulaient arracher des territoires (les Bulgares rêvaient à la Thrace et les Serbes à la Macédoi-ne).

L'échec de la Conférence de Moscou après 44 sessions fut suivi le 5 juin 1947 de la décision prise par le général Georges Marshall d'annocer son plan économique pour aider le monde à trouver la stabilité économique et poli­tique. Environ quinze milliards de dollars furent inves­tis sous forme de dons, pour le redressement de l'Europe. Mais pas toute l'Europe, parce que les «démocraties» populaires, les vrais vassaux de Moscou refusèrent.

 

LE PLAN MARSCHALL

SIGNIFIE L'AIDE DES ETATS UNIS

AUX LES PAYS OPPRIMES

 

Le Président H. Truman déclara le 21 avril 1947 au banquet de l'Associated Presse, à New York:

«Nous savons que la liberté et l'intégrité des Etats-Unis ne demeureront hors de toute atteinte que dans un monde où des peuples libres vivront en paix avec leurs voisins, pourront entretenir leurs relations commercia­les libres et amicales. Il nous appartient donc d'aider ces peuples libres dans leurs efforts pour garder leur liberté. Plusieurs de ces peuples ont à choisir aujourd'hui entre le totalitarisme et la démocratie, parce que la guerre les a tellement appauvris qu'ils sont devenus des cibles faciles pour les idéologies étrangères et les pressions extérieures. En leur accordant une aide économique et en contribuant à leur reconstruction, nous pouvons leur permettre de résis­ter aux forces qui menacent si directement leur façon de vivre, etc..»

M. Hoover, le plénipotentiaire du Président des E.U. pour l'organisation américaine en Europe, précisa sur ce sujet:

«Je dénonce la Russie soviétique comme menant une action d'obstruction et de sabotage contre les efforts pour le relèvement économique de la plus grande partie de l'Europe. Cette action est un des aspects de l'URSS pour saigner à blanc les Etats-Unis d'Amérique en les obligeant d'éparpiller leurs propres ressources dans tous les coins du monde: les Etats-Unis sont obligés de pré­voir pour l'année 1947-48 quatre milliards de dollars pour l'Europe en plus des quatorze autres qui ont été déjà dépensés sans résultat dans le même but. Quatre-vingt dix pour cent de l'aide qui va aujourd'hui en Eu­rope provient des Etats -Unis.

Dans les pays de l'Est de l'Europe subsiste en ce moment une effroyable misère physique et morale dou­blée d'une permanente angoisse et oppression, des vrais drames qui prennent un accent plus grave, là, où il y a en même temps l'occupation d'une armée étrangère et un gouvernement communiste imposé ou dirigé de l'ex­térieur.

Le Premier Ministre Sud africain, le Maréchal Smuts, dans une déclaration, le 28 mai 1947, a dit:

«Le communisme s'appuie aussi sur le désordre contre lequel l'humanité lutte depuis longtemps.»

Le problème qui se pose c'est qu'on ne peut avancer vers une action de reconstruction économique sans avoir réalisé premièrement les conditions politiques indispensa­bles à cette reconstruction.

Le général Marshall souligna:

«Tout gouvernement qui intrigue pour empêcher la reprise économique des autres pays ne peut espérer recevoir notre aide. Tout gouvernement, tout parti, tout groupe politique qui cherche à perpétuer la misère pour en tirer profit sur le plan politique se heurtera à l'opposi­tion des Etats-Unis.

Bien sûr, les agents communistes de Roumanie, res­tèrent à côté de leur père Staline, déclarant le 11 juillet que le plan Marshall était un instrument de l'impérialis­me pour menacer l'indépendance des peuples. Cinq jours après, Iuliu Maniu, le symbole de l'indépendance roumai­ne contre toutes les dictatures, fut emprisonné.

 

L'ANNEE EPOUVANTABLE

Les partis communistes occidentaux quittèrent les gouvernements auxquels ils participaient (France, Belgi­que, Italie); en revanche, en même temps, les partis non communistes des «démocraties» populaires furent dissous et leurs dirigeants emprisonnés et tués (Roumanie, Bul­garie, Pologne).

En Roumanie, à partir de mars 1947, commencèrent les arrestations des membres du Parti National-Paysan, par groupes successifs. Le point culminant fut atteint le 14 juillet quand on arrêta la direction du PNP: Iuliu Maniu, Ion Mihalache, Nicolae Penesco, Ilie Lazar et N.

Carandino.

L'extermination de l'opposition, tantôt violente et rapide, tantôt lente, poursuivait une totale annihilation de la personnalité. La morale était foulée aux pieds, il n'y avait plus de logique, les arguments étaient basés sur le mensonge et la perfidie, une nouvelle société était en train de naître. En 1947-48 commence en URSS une grande épuration dans le domaine des arts et de la cultu­re. Les journaux et les revues seront interdits. Les auteurs proscrits commencent à faire leur auto-critique et con­sacrent dorénavant toute leur activité aux masses dont ils devront tirer leurs sujets d'inspiration. Ceci servit comme modèle dans tous les pays communistes. Ces mesures au­toritaires seront suivies d'emprisonnement même si les gens n'étaient pas coupables, juste pour leur faire sentir l'autorité. Il fallait inoculer la peur aux gens de lettres. La liquidation de l'opposition dans les pays asservis était dictée non seulement dans le but de consolider les partis communistes   imposés   par   la  force,  mais   aussi   d'arriver

à l'intégration de ces pays et par là imposer sa volonté et sa politique aux autres partis communistes dans le mon­de, en créant le Kominform en septembre 1947. Cet or­ganisme durera jusqu'en 1956.

L'après-midi du lundi 14 juillet, Fête Nationale de la France, débuta par une agitation inhabituelle. Pendant trois heures ce fut un va-et-vient incessant, des portes cla­quées dans les cellules, beaucoup de bruit.

Nous autres, qui étions dans les cellules 20 à 40 attendions avec anxiété ce qui allait suivre. Dans nos pe­tites cellules nous avions de lits gigognes en béton, une petite table et deux chaises également en béton. Elles étaient devenues encore plus petites que nous étions 3 et 4. Mais malgré tous ces changements, un grand silen­ce régnait parmi nous. Nous étions attentifs au moindre chuchotement des gardiens, à l'affût d'un geste ou d'un mot révélateur.

Nous demandions à tour de rôle à être conduits aux W. C. qui se trouvaient en face de la cellule 15, pour tenter d'en savoir plus. En prison, la chose la plus impor­tante est l'information. Un geste, un mot, un mouvement, tout est interprété de toutes les manières possibles, dans le sens de la logique. Par malheur, dans cette période de destruction de l'homme, la logique fut complètement absente.

Finalement, par des visites assez répétées aux W.C. nous apprîmes que dans la cellule 16 se trouvaient deux personne portant des chemises bleues, que dans la cellule 13 une personne était gardée à l'intérieur par un agent. Dans le couloir principal deux agents circulaient en permanence et derrière les cellules munies de grandes fenêtres, deux agents avaient été postés.

De toute évidence, les nouveaux venus étaient des personnages importants qu'on surveillait de près.

D'après leurs vêtements de détenus, ils paraissaient étrangers. Réussissant à sortir à mon tour, je suis arrivé devant la cellule 17 et je restai bouche bée. A l'intérieur

je reconnus Cornel Coposu qui s'approcha de la porte. Je lui demandai plutôt par des signes ce qui était arri­vé.

«Nous sommes tous ici. Soyez sans inquiétude, car on vient de passer à une nouvelle étape politique» me dit-il rapidement, ne pouvant parler trop longtemps devant la porte. Arrivé dans ma cellule je communiquai aussi­tôt la nouvelle. Les autres continuèrent leur petite pro­menade et jusqu'au soir, nous réussîmes à en savoir plus. Cornel Coposu ne craignait pas de parler, mais les autres s'abstenaient: Coposu ne nous connaissait pas tous. Nous apprîmes que Mihalache et trois autres personnes de la direction du parti avaient voulu s'envoler pour l'étranger et qu'ils avaient été trahis et arrêtés au moment du dé­part.

Au bout de trois jours on nous changea de cellule. Ma nouvelle cellule, le nr. 41 était grande; nous y étions une trentaine de personnes. En allant vers notre nouvelle demeure, nous passâmes devant les cellules.

Dans chaque cellule il y avait un agent qui surveillait tous les gestes du détenu. Dehors, ceux qui circulaient devant les portes et les fenêtres voulaient sans doute main­tenir chez les détenus un état de tension permanente. Nous fîmes le compte du lot, qui avait été arrêté le 14 juillet 1944:

Ion   Mihalache,   vice-président   du   PNP,   ex-premier ministre.

Niculina Mihalache, épouse de Ion Mihalache, candi­date en tête de liste aux élections du 19 novembre 1946 dans le département de Muscel.

Nicolae Penesco, secrétaire général du PNP, ex-Minis­tre de l'Intérieur.

Fulvia Penesco, épouse de N. Penesco, du comité directeur des femmes du PNP.

Nicolae Carandino, directeur du journal «Dreptatea», organisme de propagande et de combat du PNP, ex-directeur du Théâtre National.

Lili   Carandino,   artiste,   femme   de   N.   Carandino.

Ilie Lazar, membre de la délégation permanente du  PNP,   président  de l'organisation pour le Maramures.

Le docteur Vlad Hatzieganu.

Le sous-ingénieur Popesco.

Borcea, deux frères inconnus.

Dr. Constantin Gafenco, dont le nom n'avait rien à voir avec l'ex-ministre des Affaires Etrangères.

Deux aviateurs, qui avaient fait le jeu de la Sûreté, sur deux appareils qui n'étaient pas en état de voler, Lusting Romulus et Preda Gheorghe.

Corneliu Coposu, secrétaire de Iuliu Maniu.

A cette époque, Iuliu Maniu était sous surveillance au Sanatorium du 10, boulevard Dacia. Il fut arrêté quel­ques jours après et emmené au service secret de Malmai­son, Calea Plevnei. Les dirigeants du Parti National Paysan étant emprisonnés, les Russes visaient à assujettir la Rou­manie.

 

LA SECURITE PREPARAIT LA MISE EN SCENE

 

Pendant le mois de mai 1947, le docteur Constan­tin Gafenco chercha avec insistance à entrer en contact avec les notables du Parti National Libéral. Par une a-mie intime, dont la sœur était une membre marquante du parti, il a réussi à rejoindre Bébé Bratianu (le Secrétaire général), Mihail Romniceanu (ancien ministre, Secrétaire gé­néral adjoint),Ion Zuresco (un des chefs de la jeunesse du parti) et encore quelques personnes plus jeunes.

Le motif de cette insistance fut de leur proposer de partir à l'étranger. C'était pour 7— 8 personnes, avec deux avions. Après un court délai, les membres du Parti National Libéral refusèrent.

Mais le docteur Constantin Gafenco ne renonça pas à son projet de mission. Par un ancien collègue de l'Université, il a réussi à entrer en liaison avec le Chef du Parti National Paysan. Grâce à Vlad Hatzieganu, ses insistances ont réussi cette fois et il a convaincu Iuliu Maniu d'envoyer quelques notables du Parti à l'étran­ger.

En route vers le lieu destiné pour le décollage, Ion Mihalache — Vice-président, a observé la mise en scè­ne, mais il était trop tard. Les voitures de ceux qui «par­taient» étaient déjà encadrées par des troupes de la Sé­curité.

Même sans le Tamadau, on aurait trouvé un autre prétexte, puisque sur le plan politique, l'URSS avait décidé de détruire les partis de l'opposition des pays sub­jugués.

 

LE FILM DE LA TERREUR

 

Pendant la nuit du 14/15 juillet, des unités militaires ont verrouillé, de part et d'autre, le boulevard Dacia, où logeait Iuliu Maniu, le Président du Parti National Pay­san. Le gouvernement communiste était en train de liqui­der l'opposition par des soi-disant «procès» à la maniè­re bolchevique, qui avaient réussi à assassiner «légale­ment»  tous les dirigeants hostiles.

Gheorghiu-Dej, Secrétaire général du Parti Commu­niste commencé à préparer l'opinion publique, en dé­clarant: «Le Parti National Paysan dirigé par le traître Maniu va être dissous et cette mesure correspond aux obligations du traité de paix.»

Mais le vrai traftre de la nation roumaine, Petre Groza, a ajouté dans une autre déclaration: «II faut faire en sorte que cette mauvaise herbe disparaisse de notre jardin et nous allons le faire»; pendant que Téohari Geor-gesco, le diable de la terreur, précisa «la nécessité de châ­tier d'une façon exemplaire les traîtres à leur pays».

Le 18 juillet, la soi-disant «Chambre des députés» d'obédience communiste et élue par fraude, avait vo­té par 258 voix contre 1, la levée de l'immunité parlemen­taire des six députés national-paysans: Iuliu Maniu se trouvait parmi eux. Le lendemain, Iuliu Maniu, âgé de 74 ans, considéré le chef de la résistance roumaine contre la dictature  communiste, a été arrêté.

La Grande-Bretagne se déclara étonné de ces arres­tations et a renouvelé ses protestations auprès du gouver­nement roumain:

...«Les   nombreuses   arrestations   opérées  récemment auraient précisément été une contravention flagrante au Traité de paix si celui-ci avait été en vigueur...

...«Le gouvernement de Sa Majesté ne peut prendre au sérieux l'explication selon laquelle les personnes arrê­tées et gardées en prison dans des conditions inhumaines appartenaient toutes à des organisations pro-fascistes ou se livraient à une propagande hostile aux Nations U-nies...»

Le 26 juillet, dans une séance des partis communis­tes ou communissants du bloc gouvernemental, a été adop­tée à l'unanimité une proposition visant la dissolution du Parti National Paysan parce que ce parti désirait chan­ger le régime au pouvoir avec l'aide étrangère.

La proposition étant faite, la dissolution du Parti National Paysan a été décidée aussi à l'unanimité, le 29 juillet dans la séance du Conseil des Ministres. Tout de suite, le soir, la prétendue «Chambre des Députés» a approuvé cette décision à V unanimité des 295 membres présents. Les membres du soi-disant «Parti National Libéral» de Geor­ge Tataresco ont voté pour la dissolution, tant au Con­seil des Ministres qu'à la«Chambre des députés».

Il est à remarquer que les députés de Tataresco ont voté à l'unanimité l'arrestation de Iuliu Maniu, arres­tation demandée entre autres par Tataresco, lui-même au Conseil des Ministres.

Mardi après-midi (5 août 1947) la Chambre des dé­putés a annulé les mandats de tous les députés du Parti National Paysan.

 

REACTION A L'ETRANGER: RIEN!

 

Partout derrière le rideau de fer, les partis de nuance agrarienne   sont     détruits:  une  chape  de  plomb   tomba.

Les arrestations se multiplient en Roumanie, Bul­garie, Pologne et Hongrie. Les procès politiques, mis en scène, se succèdent à une cadence accélérée. Les chefs, authentiques démocrates de ces pays, sont aussi empri­sonnés   et   accusés   de   comploter   contre   la   démocratie.

IULIU MANIU, président du Parti National-Paysan, qui a gagné les élections, fut arrêté le 19 juillet 1947. IL FUT ET RESTE LE SYMBOLE DE LA DEMO­CRATIE, DE LA LIBERTE ET DE L'AMITIE AVEC L'OCCIDENT, LE MONDE LIBRE.

LE PEUPLE ROUMAIN FUT SOUMIS A UN VRAI GENOCIDE

Puisque les Grandes Puissances n'ont pas respecté les garanties promises et n'ont stipulé aucune mesure afin d'instaurer et assurer la légalité, le gouvernement communiste roumain s'adonna à l'extermination de ses adversaires et du peuple roumain par des méthodes totali­taires de type nazi.

Les communistes commencèrent par l'arrestation des chefs politiques du Parti National-Paysan, Iuliu Maniu en tête.

Dans le journal «Le Monde» du 14 novembre 1947 on retrouve l'opinion de M. Marshall sur le procès de Maniu:

«M.   Marshall. exprimant   son   opinion   sur le  procès Maniu ,a déclaré qu'il ne s'agissait là que d'une nouvelle manœuvre d'un gouvernement dominé par les communis­tes pour éliminer toute opposition.

M. Marshall a dit aux journalistes que la condamna­tion de M. Maniu ne diminuerait en rien le prestige de l'an­cien premier ministre, champion de l'idéal démocratique en Europe orientale.

Le secrétaire d'Etat n'a pas voulu préciser si le gouvernement américain avait l'intention de protester auprès du gouvernement roumain comme il l'avait fait auprès du gouvernement bulgare lors de la condamnation de Petcov.»

ET CELA SE PASSAIT APRES LA CONCLUSION DU TRAITE DE PAIX.

 

 

LE GENERAL NICOLAE RADESCO,

Président du dernier gouvernement légal de Roumanie,

a adressé à ceux du pays le message suivant:

Roumaines et Roumains,

Après l'alarme qu'on a donnée, le cœur déchiré, dans la nuit du 24 février 1945 contre les manigances crimi­nelles des communistes, je n'ai plus eu, jusqu'à aujourd'hui l'occasion de m'adresser à vous.

Etant gardé derrière des portes verrouillées par les sbires «patriotes» pendant tout mon séjour dans le pays —et, lors de mon exile étant privé de toute possibilité de garder la liaison avec vous— la mafia rouge m'ayant coupé tous les moyens —je me suis vu obligé de rester muet pendant plus de deux ans.

Dans ce laps de temps, infiniment long, oh, combien vous avez souffert vous, ceux qui êtes restés là-bas, écrasés par la plus sauvage et impitoyable tyrannie! Mais aussi quelle fierté et quelle nourriture spirituelle pour nous, ceux qui sommes partis, que de mener la lutte au-delà des frontières, soutenus en cela par votre résistance iné­branlable contre les tentatives de destruction de l'âme rou­maine !

Malgré les persécutions indicibles, malgré l'oppression des bourreaux étrangers, malgré la misère où a été plon­gé le pays, comme épreuve infligée par Dieu à ce peuple dont il a voulu tester une fois de plus les vertus— mais aus­si pour punir peut-être ceux qui ont permis aux canailles étrangères de souiller notre pays, canailles qui étaient des  dirigeants de ce qui se disaient FND-istes— rien n'a pu ébranler votre courage ni votre croyance. En dépit de ces souffrances atroces, le peuple n'a pas baissé la tê­te et ne s'est pas avoué vaincu, en supportant vaillamment les coups qu'il recevait de deux côtés: de la part de celui qui croyait pouvoir réaliser maintenant son rêve de toute puissance sur nous, ainsi que de la part du serviteur qui s'efforce de dépasser son maître dans la persécution.

Où peut-on encore voir ailleurs dans le monde un mira­cle pareil? Quel autre peuple peut se vanter de défendre ses droits sacrés avec un tel acharnement?

Frère  Roumain,  suis  ton  chemin  sans en dévier et déride ton front!

Ta patience, à nulle autre semblable, va bientôt être récompensée. L'heure de l'affranchissement du joug com­muniste, que tu as essayé de secouer au prix d'immen­ses sacrifices, approche. Les canailles qui t'ont réduit à la misère, qui depuis des dizaines d'années souillent notre sainte terre qu'ils veulent vendre aux étrangers, qui déshonorent notre peuple et se moquent de tout ce que ce dernier a de sacré —seront dans peu de temps chassés de leur trône où ils ont été installés avec l'aide étrangère et contre la volonté du peuple.

Les Grandes Puissances, qui luttent pour le bien-ê­tre de l'humanité entière, connaissent notre douleur: elles sont à la quête des moyens les plus adéquats pour que cette situation prenne fin au plus vite.

Mais, avec l'espoir qui renaît, il ne faut pas perdre son sang froid. Si un rayon de soleil commence à péné­trer dans notre cœur en nous dirigeant vers le chemin qui changera notre sort, il faut néanmoins que la force qu'on a eue jusqu'ici pour résister à l'ennemi ne fléchisse pas. Bien au contraire, on doit se concentrer davantage, pour être capables d'affronter tout événement à venir. On ne doit oublier à aucun moment que ceux qui nous persécutent depuis 2 ans et qui ont épuisé toutes nos res­sources au point de nous transformer en des mendiants de  l'humanité entière  —nous qui venons d'un pays dans

la richesse duquel puisaient les autres jusqu'à présent— fassent, avant d'être précipités dans l'enfer d'où ils sont sortis, une tentative désespérée afin de ne pas lâcher leur proie.

En vue du besoin qu'on pourrait avoir d'affronter une telle épreuve on doit disposer d'une force capable d'écraser celle de nos oppresseurs.

Roumaines et Roumains,

Nous vivons un moment crucial pour notre peuple: voilà ce qu'aucun d'entre vous ne doit perdre de vue. Jusqu'au jour de la délivrance, on ne doit avoir aucune autre pensée que celle de sortir de l'esclavage.

Du plus jeune au plus vieux serrez les rangs. Formez un mur puissant en tant que bouclier de la patrie, contre lequel l'assaut désespéré de ceux qui essaient de nous chas­ser de notre pays doit s'écraser.

Vous les jeunes, l'espoir de demain du pays, restez inébranlables dans votre poste d'honneur. Il est possible que cette fois-ci vous soyez obligés à nouveau d'affronter des difficultés mais, l'arme au poing, veillez.

Que Dieu soit avec nous

N. Radesco Juillet, Lisbonne

 

 

AU MINISTERE DE L'INTERIEUR

Parmi les détenus de la cellule se trouvaient:

Barbus Ion, président de la jeunesse universitaire PNP. Originaire de la Vallée de Michel, département de Bihor, il avait commencé ses études universitaires en France à Lyon, mais il avait été appelé sous les armes au début de la guerre. Puis il fut blessé au front. Membre du PNP bien avant le 23 août, il a combattu la dictature du Maréchal Ion Antonesco. Il fut président de l'Association des étudiants de Somes. Le 16 novembre 1946, victime d'un attentat, il reçut un coup de poignard, Calea Victoriei.

Manea Ion, l'un des leaders de la jeunesse, ancien chef des étudiants de Iassy dans la période difficile 1944-1946.

Ciacou Constantin. Étudiant de la Faculté de Lettres, démocrate, jeune homme d'un rare altruisme et d'une irréprochable honnêteté. Animé d'un véritable don de persuasion, il mettait du cœur à tout ce qu'il faisait.

Paul Lazaresco, étudiant en Lettres, homme silen­cieux et posé.

Jurebie Gheorghe, de l'Académie Commerciale, très énergique, démocrate convaincu, combattant la terreur et le mensonge.

Aurel Ludosan, président de l'Académie Commerciale, participant bien connu des manifestations d'étudiants avant le 23 août. Il aimait parler, imposer sa logique person­nelle, n'acceptait pas d'être contredit. Il glissa tout à fait à gauche, rendant des services à la Sûreté.

Ionitza C.V. Dumitru, fonctionnaire au club du PNP. Homme très énergique, cloué d'un sens inné de l'organi­sation, il nous rendit d'importants services.

Bourceanu Vasile, président de la section d'élèves du PNP, homme possédant des solides connaissances philosophiques, et qui avait aussi étudié le droit. Il aimait discuter et approfondir les problèmes, alimentait les discussions et possédait un humour très fin. Sa fiancée, Despina Dumitresco, qu'il épousa plus tard, fut arrêtée en même temps que lui. Elle était licenciée en '. lettres. Jeune fille très énergique, elle ne connaissait    pas la peur et avait le cœur sur la main.

Sadovan, 25 ans, jeune homme de caractère, origi­naire du Banat. Il était de ceux qui relevaient le moral des nouveaux détenus. Avant d'arriver là, il s'était évadé. On l'avait torturé. Il s'attendait à subir d'autres interro­gatoires par différents organismes de Police, car il avait des relations dans d'autres régions.

Ghitza Mihalache, étudiant à l'Académie Commer­ciale, arrêté en chemise au moment où il sautait par la fenê­tre.

Nicusor Popesco, le cadet de tous, était élève au cours supérieur du lycée. C'est lui qui encaissait le plus de coups de la part de tous les policiers. Calme, sain d'esprit, sa jeunesse sacrifiée est une preuve de plus contre le régime inhumain.

Horia, étudiant en droit, orphelin. Après sa sortie, il se consacra aux sports.

Il y avait aussi un marin excentrique venu d'Améri­que, qui voulait passer en Russie. Il affirmait qu'il était un vieux communiste convaincu et qu'il voulait se rendre à Odessa, pour vivre au milieu des ouvriers soviétiques. Je ne sais pas pourquoi il n'avait pas été accepté. Il avait l'habitude de prendre ses repas accroupi près de la por­te.

Il faut mentionner enfin de nombreuses personnes attendant d'être transférées au sous-sol II, ainsi que quel­ques rares d'autres qui attendaient d'être libérées.

 

Là, nous apprîmes que les journaux avaient publié la photographie de l'avion que les fugitifs devaient pren­dre. Il était assez risible de présenter un avion à deux pla­ces pour dix personnes qui devaient s'envoler dedans. Cela constituait une preuve de guet-apens.

Nous mangions très mal à cette époque dans la pri­son. Un liquide contenant 20 à 30 pois chiches et un bout de mamaliga (bouillie de farine de mais) de 100 gr. Ce régime nous a tous rendus malades. Nous étions tellement affaiblis que nous nous tenions les mains contre le mur dans le couloir. Nous avions des vertiges, nous étions très maigres.

Comme dit le proverbe: «Quelle chance d'avoir la peau, on ne risque pas de perdre les os.» Ces pauvres os qui avaient senti les coups de Bulz, Brânzaru, Curelea et de toute la lie de la société qui avait trouvé son gagne-pain en torturant.

A la fin de juillet nous étions épuisés. Quelques jeunes retrouvèrent la liberté. Une jeune fille trouva un mari dans la personne de son enquêteur, qu'elle épousa en sortant de prison.

On embarqua le reste assez nombreux dans deux voitures ouvertes. Nous arrivâmes en plein jour, le 25 juillet à la prison de Vacaresti. Nous étions de trop au Mi­nistère de l'Intérieur, où nous occupâmes l'espace nécessai­re à l'opération d'envergure que Nicolski, l'homme des Russes, projetait.

 

SUPPRESSION DU PARTI NATIONAL PAYSAN

Après la retraite des troupes allemandes, les Russes imposèrent leur politique dans les pays occupés. Staline, ayant obtenu à Téhéran et à Yalta sa sphère d'influence et la route libre vers l'Ouest, passa à l'asservissement des peuples «libérés». Le bourreau du monde savait que ses vrais ennemis étaient: 1. les partis paysans propres aux pays agricoles à l'Ouest des frontières de 1938, 2. Les militaires, élevés dans le respect des traditions, bouclier du passé guerrier de ces peuples, 3. l'Eglise, qui mobili­sait toutes les catégories sociales dans leur désir de vivre en liberté. Pour atteindre son but il se servit des opportu­nistes, des soi-disant socialistes de gauche, des militaires arrivés avec les divisions soviétisées «Tudor Vladimiresco» et «Horia Closca et Crisan», de la canaille qui s'était mise au service de la propagande communiste par la radio, la presse, le théâtre, les foyers de culture...

L'Eglise sera bientôt entre les mains d'un pope dé­froqué,  qui  fera  son possible  pour la mettre   «au pas».

Avec l'aide des conseillers soviétiques on chercha à désorganiser la vie politique, en créant des partis fictifs, par la falsification im­monde de la volonté nationale du 19 novembre 1946. Voyant que la résistance continuait, Staline ordonna la mi­se en scène d'un procès contre Iuliu Maniu.

La Sûreté entreprit l'arrestation de tous les leaders des organisations départementales et leur internement à Craiova, Pitesti, Timisoara, Vacaresti, prisons dites de MAI (Ministère des affaires intérieures). Une série de généraux, de colonels et de quelques grades inférieurs, furent réunis dans ces dépôts. L'élite de la diplomatie y était aussi pré­sente, celle qui n'avait pas pactisée avec Gutza Tatarasco et qui devait constituer l'argument de la mise en scène.