INTENSIFICATION DE LA TERREURE COMMUNISTE

Le 15 mai 1948 eut lieu une nouvelle vague d'arres­tations. Dans la même nuit et dans tout le pays, on arrêta les légionnaires. Les centres universitaires de Cluj, Iassy, Bucarest, furent les plus frappés. Les interrogatoires étai­ent plus dures. Des nouvelles méthodes soviétiques plus raffinées permirent de fabriquer de toutes pièces des cen­taines et des centaines de procès.

Face aux nouveaux problèmes qui se posaient au ré­gime communiste, il était nécessaire d'intimider la popu­lation:

le 11 juin on procéda à la nationalisation des entre­prises;

les sociétés agricoles devaient être collectivisées;

sur le plan international le Kominform était supprimé ;

Tito  prenait ses distances avec la Russie, ce qui eut  pour résultat un durcissement des conditions de vie dans les pays satellites. Ces mesures draconiennes s'étendaient également à la Russie.

Le premier souci après notre libération fut de venir en aide à ceux d'Aiud par l'envoi de paquets de 3 kg d'ali­ments. L'aide américaine était d'un grand secours, mais souvent les autorités essayaient de se l'approprier. Là où c'était l'Eglise qui se chargeait de la distribution, tout se passait bien, sauf que les prêtres connurent ensuite la prison.

En juillet 1948 des trains chargés de troupes et arme­nt se dirigeaient vers le Banat. On avait posé des barrières  au long des frontières, même le Danube était devenu notre ennemi. A Severin et à Orsova on pouvait voir des panneaux géants représentant Tito, une hache à la main. Son ami, Gheorghiu-Dej, le traitait de «bourreau vendu aux impérialistes», et «traître de la classe ouvrière». Une porte paraissait s'ouvrir vers la liberté. Des centaines de personnes, dans l'espoir d'échapper à l'enfer commu­niste prenaient la route de l'Occident par cette brèche. Les gens partaient au risque de leur vie. Combien furent fusillés à la frontière ou électrocutés, on ne le saura ja­mais. . .

Ceux qui réussirent à fuir ont découvert les prisons et les camps de travaux forcés de Yougoslavie où la bar­barie dépassait les limites de l'imaginable. Remus Radina, dans son ouvrage «Le testament de la morgue» dépeint dans des couleurs très sombres la vie des «chercheurs de li­berté». Un de ses chapitres intitulé: «Tu as fui le diable et tu as rencontré son père», exprime très bien l'amère déception des Roumains face à l'extraordinaire cruauté des amis yougoslaves.

Une rumeur circulait à Bucarest: notre libération serait considérée comme une erreur. Je ne fus pas long à quitter la capitale; je partis chez un ami près de Baile Herculane, un petit coin calme et tranquille dans une région pittoresque. Mais le 18 juillet 1948 dans la maison où j'habitais, un agent de la Sûreté a fait son apparition, accompagné d'un gardien. J'entendis quelqu'un dans le hall qui disait qu'il s'agissait de vérifier les papiers des personnes qui habitaient la maison. Je ne respirais plus. Mon ami leur demanda s'ils cherchaient quelqu'un. Fi­nalement ils dirent vouloir parler à Ionel Diaconescu. Mais celui-ci habitait à l'autre extrémité du village. Ils Prirent cette direction.

Ionel  Diaconescu  était  un  retraité.   Un  cœur  d'or. Souffrant du foie, lui et sa femme s'étaient retiré dans ce coin tranquille. Ancien inspecteur à la Préfecture de Po­lice de Bucarest, il n'avait jamais travaillé dans les briga­des opérationnelles. J'appris dans les prisons que c'était non seulement un homme de cœur, mais un homme très juste et que jamais il n'a fait du tort à qui que ce soit. Malgré cela en janvier 1941 il était fusillé. Il n'a jamais su ni compris comment il se retrouva blessé mais vivant au bord de la route. Maintenant il était à la retraite. Mais d'autres terroristes arrivés plus tard l'emmenèrent cette fois pour toujours. On ne lui demanda rien; il ne fut pas soumis à un interrogatoire, il fut tout simplement en­voyé aux travaux forcés, au Canal de la Mort, où il ne put résister et de là, à Fagaras, où il mourut. Encore un HOMME qui disparaissait. Quelques jours plus tard j'ap­pris que la nuit du 28 juillet avait eu lieu une nouvelle vague d'arrestations frappant les anciens agents de poli­ce. Beaucoup d'entre eux avaient aidé les communistes après le 6 mars 1945. On s'était servi d'eux, maintenant ils étaient jetés dans les prisons où l'on voulait les extermi­ner. C'étaient toujours les mêmes méthodes qu'utilisaient les communistes pour arriver au pouvoir, celles qui ont donné de si bons résultats en Russie et dont le principe était: se servir de n'importe qui pour arriver, ensuite le liquider.

* * *

Au printemps de 1948 on passa à l'arrestation d'un groupe appelé Mouvement National de Résistance dont les chefs étaient les ingénieurs Pop et Bujoiu. On les ac­cusait de vouloir renverser le gouvernement imposé par les Russes. On disait qu'ils avaient commencé la construc­tion d'un tunnel conduisant d'une maison de Dealul Patriarhiei à l'Assemblée Nationale. Après avoir creusé 10 mètres ils furent découverts. Cette organisation qui a été assez importante, comprenait plusieurs centaines de membres. Voici quelques unes des personnes qui furent alors arrêtées le commandeur Horia Macelaru, qui après 16 années de prison resta le même homme intègre, Ion Pop, Ion Bujoiu, Nicolae Petrasco secrétaire du mouvement légionnaire; parachuté en 1944 depuis l'Allemagne, il vou­lait préparer le terrain en cas où les chefs du mouvement seraient expulsés d'Allemagne. Après avoir contacté le PNP n'arrivant pas à s'entendre avec lui, il conclut un pac­te avec les communistes par l'entremise d'Ana Pauker. Arrêté en 1948 il fut sagement frappé; un coup de botte à la colonne vertébrale lui paralysa les jambes. Des années plus tard, en 1962 on l'a amené dans ma cellule, à Uranus. Mais nous n'en sommes pas encore là.

Vica Negulesco, mort à Jilava en 1958, Nistor Chioreanu; Gh. Manu, professeur universitaire, homme d'une vaste culture, une vraie encyclopédie ambulante, doué aussi d'une vitalité exceptionnelle, le type du combattant courageux, tant à l'extérieur qu'en prison. Au procès il fit impression par son comportement d'une grande digni­té. Il dit: «J'ai essayé de vous combattre par tous les moyens car vous ne faites pas partie du peuple roumain». Gra­vement malade à Aiud, il ne s'abaissa pas à demander de l'aide. Il mourut à l'infirmerie, serein et content d'a­voir rempli son devoir jusqu'à la fin. Eugen Teodoresco, commandant légionnaire de Constantza qui venait d'Alle­magne; Bals; Nelu Padureanu, originaire de Tamave, lé­gionnaire venu au PNP avec Horatiu Comaniciu. Hom­me énergique cherchant à être toujours bien informé de ce qui se passait dans les coulisses de la politique et du gouvernement. Grâce à lui on put connaître à temps les actions menées contre le PNP. Il avait des antennes, mot utilisé par la police, la Sûreté et en haut lieu. Un home de parole prêt à intervenir pour aider son prochain, Paul Tomesco, un pseudonyme paraît-il. Il fut arrêté mais personne n'eut plus jamais de nouvelles de lui. Je l'ai connu au printemps 1947 dans la maison où nous nous réunis­sons clandestinement en  1948, rue Hagi Ghitza. Il était au courant de beaucoup de choses notamment des listes de personnes qui devaient êtres arrêtées, ce qui fut confirmé par la suite. Mais sa disparition est restée une énigme pour tous.

Les interrogatoires furent très durs. A Malmaison, Calea Plevnei, où on passait d'abord, les gens étaient sau­vagement frappés et cela continuait au Ministère de l'In­térieur (la prison). Un de mes amis, Eugen Chimicesco, qui ne faisait pas partie du mouvement, fut arrêté pour avoir rendu visite à une personne suspecte. Il fut frappé et torturé.

Mais il n'avait rien à dévoiler. Une année après il se trouvait à Jilava; il était presque infirme après tant de coups. Le manège du chien gardien n'était pas trop mé­chant en soi, mais étant donné qu'il s'ajoutait aux coups et qu'il n'avait pas de limites, c'était tuant. Beaucoup tombaient ne pouvant résister à la fatigue; les chiens dres­sés se jetaient sur eux pour les tramer; tout cela pour épouvanter les détenus. Les surveillants, des vrais sbires, étaient complètement indifférents aux souffrances phy­siques. Certains finirent par signer tout ce qu'on leur deman­dait pour échapper à la souffrance. Ces déclarations ob­tenues dans de telles conditions constituèrent des preu­ves d'accusation selon le cours que l'enquête souhaitait. Beaucoup furent obligés d'inventer et d'impliquer des gens absolument innocents. Une personne dénonça son chef de service. Pendant la confrontation il avoua: «Je vous ai menti. Je vous ai fait venir pour qu'il entende de votre bouche que j'ai menti. Parce que je ne pouvais plus en­durer la torture». Mais nous serons confrontés à d'autres tourments.

 

***

 

Vers le milieu du mois d'août 1948 je revins à Buca­rest. Nous tombâmes d'accord pour reprendre les réunions d'études.   Nous   continuâmes  notre  envoi  régulier de paquets tous les mois à Aiud jusqu'au mois d'octobre quand on les  interdit   pour toujours. Le 29 août je me rendais à la gare de   Filaret  chercher  un paquet d'aliments  arrivé de province, que je  devais  diviser  en trois  autres paquets de 3 kg. pour expédier chacun aux destinataires. Place Buzesti, je monte dans le tramway en 2ème classe dans remorque ouverte. Le tramway démarra. J'entends quelqu'un courir après et le prendre en marche. Je tour-la tête et aperçois Costea, celui qui m'avait arrêté au mois de juillet 1947. J'eus froid dans le dos, mais décidant de ne pas me laisser prendre je mijotais déjà un plan.

Comment ça va Cici?

—Bien, répondis-je en prenant un ton dégagé.

—Toi, tu as dû t'évader, autrement tu ne serais pas à Bucarest! me dit-il.

—J'ai été gracié il y a deux mois. A ce moment, le poussant un peu à l'intérieur du wagon je sautai sur le trottoir en pleine marche. Je ne sais pas comment j'ai fait mais je me suis trouvé debout. Costea criait: «Au voleur!» Le tramway s'arrêta. Moi je courus vers la place Buzesti et après avoir échappé à deux agents de police je me trou­vai nez à nez avec une voiture sortant du siège du parti communiste et d'où des ouvriers avaient entendu crier: «Attrapez le voleur». Ils essayèrent de me barrer la route. Je sautai par dessus le capot de la voiture, tombant sur les mains et me blessant légèrement à la tête. Le sang com­mençait à couler. On me transporta à la pharmacie la plus proche pour me panser. Costea me demanda pourquoi j' avais fait cela et pourquoi je n'avais pas confiance en lui. Il sortit mais un agent de police resta. Pendant qu'on faisait mon pansement je priai la pharmacienne d'avertir que je venais d'être arrêté, en lui indiquant où elle devait téléphoner. Elle promit de le faire et deux heures après la nouvelle fut transmise de sorte que dans la soirée on savait que Costea m'avait arrêté.

Costea, revenu un demi heure après, m'emmena au Poste de police de Calea Grivitei. On me fouilla, on vida mes poches et j'attendais qu'on me dresse un procès ver­bal en vue de m'arrêter. Pendant ce temps Costea essayait de téléphoner. Je l'entendis dire à un moment donné: «Oui, Cici... Il est au poste de police... Il est près de moi... Certes, mais oui, un instant». Il me fit signe de m'appro­cher et me passa le récepteur. «Qui est à l'appareil?» «Bulz» répondit-on au bout du fil. Il me demanda de mes nouvelles. «Ça va» lui répondis-je, essayant de paraître calme et indifférent. J'attends ma nomination dans l'enseignement». «Mais comment es-tu sorti de prison?» «Par le décret du mois de mai!» «Je voudrais te voir et te parler». On peut prendre un rendez-vous pour demain après-midi à 15 h, tu es d'accord?» «Oui, je crois pouvoir venir» «Alors à demain, passe-moi Costea».

Ils parlèrent encore un moment; ensuite Costea me ren­dit mes affaires. Nous partîmes ensemble et il me raconta qu'il avait été chef de police à la gare de Cluj et que main­tenant il travaillait à Bucarest. Il me conseilla d'aller voir Bulz et de lui raconter mon entretien avec lui. Il me donna son adresse et nous nous quittâmes.

Je ne savais pas où aller, blessé et la chemise tâchée de sang. Finalement je me dirigeai vers la maison de Cornel Coposu qui était encore en prison. Sa femme Ariette et France, sa belle sœur, furent très étonnées de me voir dans cet état, me demandant ce qui m'était arrivé. Je pris un bain, nettoyai mes vêtements et reçus une che­mise de Cornel. Ensuite je partis à la gare de Filaret cher­cher le paquet. Bulz dût attendre le lendemain mon arrivée au rendez-vous... Je le rencontrai plus tard mais cette fois-ci en qualité de camarade de prison. Trois jours après j'étais devenu tout jaune. Une jaunisse s'était déclarée à la suite du choc nerveux du à cette histoire. Pendant tout le mois de septembre je gardai la chambre. J'étais au régime et côté sûreté j'étais tranquille pendant ce temps. Je commençais par la suite des démarches pour obtenir une chaire de professeur. Par l'inspectorat de Giurgiu j'obtins une place à l'école générale de Purani dans la vallée de Glavacioc. Pour

pouvoir me rendre à Bucarest j'arrangeai mon emploi du tlrriDS afin d'être libre le samedi et le lundi matin.

* * *

Les travaux de réunion d'études avaient repris. On discutait des problèmes politico- idéologiques. Après leur mise au point on les tapait et on les diffusait. C'est Vic­tor Coconetzi qui s'occupait de cette tache. Mais le PNP n'était pas le seul à agir. Les légionnaires et d'autres or­ganisations dont le Mouvement de Résistance ne restaient pas inactifs . Il y avait aussi les groupes d'Arsenesco de Fa-garas, du colonel Utza au Banat, de Dabija qui s'était retiré au Muntele Mare. Les abus communistes créèrent une at­mosphère de mécontentement général qui donna naissan­ce à d'innombrables organisations, la plupart encouragées par la Sûreté. En décembre 1948 j'appris que Ionutz Stoica fils de cheminot, chef de l'organisation légionnaire auprès de l'Ecole Polytechnique, était recherché. Il se réfugia dans les montagnes de Bucegi où était lié avec le mouvement de résistance. Vers la fin de janvier on signala sa présence à Bucarest dans le quartier d'Obor. Il ne se rendit pas et lorsque la Sûreté ouvrit le feu il riposta. Il tomba mais ses poursuivants eurent le même sort. Lorsque j'arrivai à Bucarest je ne savais rien de toul cela. On était début février et l'hiver était assez rigoureux. Vers minuit j'appris la nouvelle de l'arrestation de Barbus et de Victor Coco­netzi. Attendant les formalités pour être incarcérés à la prison du Ministère de l'Intérieur, ils virent arriver la sœur de Ionutz Stoica arrêtée au cimetière où elle venait d'enter­rer son frère.

* * *

Devant toutes ces arrestations imprévues, je décidai  quitter Bucarest. Par une tempête de neige épouvantable,  je fis 10 km à pied ne trouvant aucun autre   moyen de transport. Pendant un mois je restai sans nouvelles quant à l'ampleur des arrestations.

Le 6 mars 1949, là où je travaillais, ainsi que dans tout le pays, on arrêta pendant la nuit tous les proprié­taires fonciers considérés comme un obstacle sur le che­min de la collectivisation. On les dirigea avec seulement une valise à la main vers leurs domiciles obligatoires. Tout leur avoir fut inventorié en partie, le reste étant confisqué par les gens chargés de la réquisition. Participèrent à cette arrestation massive, outre les gendarmes, la Sûreté et les membres du parti, les instituteurs et les fonctionnaires. Ce qui restait des biens fut mis à la disposition des mai­ries pour être remis aux crèches ou maternelles qu'on de­vait ouvrir dans ces maisons.

Au cours d'octobre 1948 commença le procès des légionnaires arrêtés le 15 mai 1948 et celui de certains mouvements de résistance.

LA RESISTANCE DANS LES MONTAGNES

Après les élections de 1946, les abus des autorités communistes déterminèrent beaucoup de gens de la ré­gion de Severin à se réfugier dans les forêts et à commen­cer une action de résistance. C'est le colonel Utza qui était à la tête de cette organisation, l'ancien préfet du dépar­tement de Severin.

Avec l'ingénieur Vernichesco Aurel et d'autres, il se réfugia au sud du département de Severin, parcourant les montagnes de Semenic et de Mehedintzi et créant un mouvement de résistance parmi les habitants de: Doma-sna, Fenes, Iablonita, Armenis, Mehadia, Crusovat, Cor-nereva, cherchant en même temps à dénicher et à punir les mouchards et les traîtres qui terrorisaient les villages.

Je rencontrai par hasard le colonel Utza en 1948, après la rupture avec Tito, près de Cornereva. Discutant de la nouvelle situation créée en Yougoslavie ainsi que d'une é-ventuelle retraite dans cette direction, il était d'avis de res­ter dans notre pays et de continuer le combat contre l'op­presseur. Il comptait beaucoup sur l'aide américaine. Il espérait aussi arriver à une entente et à une collaboration avec les autres organisations réfugiées dans les montagnes.

 

***

 

LA RESISTANCE ROUMAINE DANS LA REGION DE BANAT

Depuis l'automne 1948, trois groupes de résistance armée viennent contourner cette région!

1.—Arad-Timisoara conduit par l'ingénieur Aurel Vernichesco, aidé par Tudor Ungureanu, Ion Tanase, Gheorghe Popovici, etc.

2.—le groupe de centre: Caransebes-Lugoj, conduit par le colonel Utza.

3.—le groupe du sud sous la direction du comman­deur Domosneanu Petre, qui déployait son activité entre Teregova et Orsova.

Cette action armée a été le résultat du mécontente­ment de la population à cause d'un régime répressif ins­tauré après la falsification des élections et l'arrestation massive au rangs de l'opposition roumaine. Pour intimi­der la population, les communistes ont imposé à la direc­tion des villages les gens les plus corrompus et qui avec le concours des gendarmes ont passé à la confiscation de leurs biens. Pour combattre ces abus, le mouvement de la résis­tance s'est soulevé et en se retirant dans les montagnes, il a commencé à punir tous ceux qui sont devenus les instruments des communistes. Parmi ceux qui terrori­saient les villages se trouvaient les gendarmes: Parjan, originaire de Teregova, Jovita de Domasna et quelques paysans corrompus: Cernesco Lazar, originaire de Rusca, Munteanu Gheorghe, Cherciu, Nemes Ianco originaires de Cornereva; Vulpes Gheorghe etc. Quelques uns de ceux-ci, ont été assassinés, d'autres ont été battus et envoyés dans les villages pour effrayer les communistes.

L'action de la résistance venait de se généraliser dans presque toute la région de Banat et les partisans devenaient une menace pour le régime communiste. Les gendarmes ont commencé une vaste action de poursuite ayant comme but la liquidation totale de la résistance armée et au début de 1949 ont éclaté des affrontements armés. Par ses agents en civil, la sûreté communiste était sans cesse à la recherche d'informations procurées par les mouchards. L'un de ceux-ci, Ion Bica, fut aussi condamné à Péninsule. Un autre mouchard, Alimanesco, ancien voleur et criminel, fut pro­mu en 1945 aux cadres dirigeants du Ministère de l'Inté­rieur.

La première confrontation armée a eu lieu le 12-13 janvier à Teregova, à l'endroit Pietrele Albe où sont tombés dans la bataille Ionesco Gheorghe, notaire de Teregova et le colonel Utza, le dirigeant de l'action. La deuxième confrontation avec la Sécurité a eu lieu le 22-23 février à l'endroit nommé Corcanul (Valea Catelii) Mehadia, où par la trahison de Cherciu et Gheorghe Munteanu sont tombés dans la bataille Gheorghe Ungureanu et Petre Ancutza. Les partisans envisageaient pour la nuit de 18-19 mars de déclancher une insurrection et des actes de sa­botage dans les villes: Arad, Timisoara, Caransebes, Resitzaet Lugoj, de même que l'arrestation des dirigeants des autorités communistes et l'occupation des institutions publiques, mais par suite de la trahison ils ont été arrê­tés et déférés en justice: Blanaru Spiru, avocat, exécu­té; Domasneanu Petre, commandeur, exécuté; Tanase Ion, employé, exécuté; Puschita Petre (Mutascu), com­merçant, exécuté; Martinesco Romulus de Teregova, exé­cuté.

Les arrestations n'avaient plus de fin. Les hommes des villages prenaient tous la route des prisons. La ville de Timisoara était le centre des interrogatoires et de la fa­brication des procès. Deux créatures se détachent sur ce fond sombre: Bugarski et Vida Nedici. Tous deux étaient au service des Serbes; ils se conduisaient avec une cruauté inimaginable. Vida Nedici, une femme, deviendra colo­nel par la suite. C'était une grande spécialiste à torturer les nommes. Deux agents immobilisait le détenu pendant qu'à l'aide d'une baguette elle frappait son pénis jusqu'à le faire hurler de douleur. Cet acte sadique faisait rayonner son visage de joie. Une autre méthode de torture à Timisoara était de laisser les détenus sans nourriture et sans eau. Lorsque le détenu refusait de faire la déclaration exigée par les policiers, il ne recevait aucune nourriture pendant plusieurs jours. Ensuite, comme par hasard, il trouvait une boîte de conserves dans sa cellule; après l'avoir ouverte avec grande difficulté il y trouvait une viande telle­ment salée qu'il mourait littéralement de soif après l'avoir consommée. Il se jetait par terre pour humer au moins le peu d'air frais qu'il cherchait sous la porte, ou alors il collait ses lèvres au ciment pour sentir le froid et apaiser ses lèvres brûlantes. Quand il n'en pouvait plus, on le con­duisait dans la salle de l'interrogatoire, où sur la table il pouvait voir des bouteilles et des verres remplis d'eau. Dans son désespoir il tendait la main pour saisir un verre mais on l'empêchait avec les mots: «Fais ta déclaration d'abord, ensuite tu pourras boire ton saoul!» Un gars me raconta un jour que ne pouvant plus tenir il s'était pré­cipité, avait pris un verre, l'avais vidé d'un trait. Mais hor­reur! L'eau était tiède et salée!

C'est au colonel Stefanesco que revint le «mérite» de juger et condamner ces malheureux paysans qui pour la plupart n'avaient pas participé au mouvement de résis­tance mais s'étaient rendus coupables d'avoir nourri ou abrité dans leurs granges des inconnus. A son tour il fut jugé plus tard par le régime qu'il avait servi. A Péninsule en 1951, entouré de tous ceux qu'il avait envoyés en pri­son, l'atmosphère lui était devenu insupportable. Il alla voir le commandant du camp pour demander sa muta­tion. Celui-ci, pour prévenir un règlement de comptes, l'expédia à Aiud.

 

Parmi les résistants de Banat il y avait:

Adam Sever (capitaine de Caransebes)... Armas (mai­re de la commune Plugova)... Andrei Alexandre (Ingé­nieur de Caransebes)... Baderca Iancu (paysan)... Barnea (paysan)., Bugariu (avocat)... Careba (de Bania-département Caras)... Costesco Cornel(avocat de Teregova)... Cristesco Gheorghe (maire de la commune Plugova)... Domaneantu (maire)... Domasneanu (lt-colonel, le frè­re du commandeur Petre Domasneanu)... Dandu Jucu (ancien sénateur, de la commune Rachita)... Draghicesco (maire de la commune Bogaltin)... Dragan et son mari Draga Ion (de la commune Plugova)... Dragulesco Danila (de Plugova)... Dragulesco Serafim (colonel)... Duicu (paysan)... Emiresco Pantelimon (paysan)... Ghimboase Nicolae-Miclut (de Teregova)... Grozavesco Ion (paysan)... Gurgu Mihai (contable de Caransebes)... Horeanu Constan­tin... Horesco (paysan de Domasna)... Luminosu Petre (commerçant)... Jucu Constantin... Juresco (avec son épouse)... Mihailovici Pavel (paysan exécuté)... Milos Ga-vrila (paysan de Domasna)... Moater Mihai (paysan)... Mutascu Dumitru-Fus (paysan)... Nedelco (avec son épouse)... Nistor Garbin... Popesco Petre (paysan de Globureli)... Popovici Gheorghe (commerçant)... Puschita Petre-Liber (de Domasna)... Puschita Vichente (paysan)... Roset Teodor... Self Teodor (de Teregova)... Smultea Gheorghe (de Teregova)... Smultea Ion... Smultea Trai-an... Stoicesco Pavel... Stefanesco Florea... Szabo Gheor­ghe... Târziu Ion (avocat de Lugoj)... Ungureanu Teo­dor (commerçant)... Valratiu Andrei... Vernichescu Aurel, ingénieur; Vladesco Mircea...

Leur nombre s'élevait à 8.000 personnes.

Avant de clore ce chapitre sur les événements de Ba­nat je dois rappeler que le traître et voleur Alimanesco, après avoir commis ses crimes au service du régime fut a son tour assassiné.

* * *

 

         En 1948 la Sûreté eut vent de l'organisation de résis­tance créée près d'Alba Iulia en Transylvanie, dont le chef était le major Dabija. Alexandre Dragulanesco fut char­gé de fournir les renseignements. Ion Robu, licencié de l'Académie Commerciale, croyant avec beaucoup d'autres que la fin de ce régime approchait, voulut participer à son renversement. Ami de Dragulanesco, ne soupçon­nant nullement son double jeu, il discutait librement avec lui des problèmes politiques après la dissolution du PNP. Il parlait avec enthousiasme des résistants du Muntele Mare, disant qu'il était décidé à aller sur les lieux pour discuter de l'aide que la jeunesse PNP pouvait leur appor­ter.

Il se déplaça à Muntele Mare et par l'entremise des paysans il put discuter avec les chefs de cette organisation. Il fut très impressionné par le repaire de ces hommes, au cœur des montagnes, par leur vie sobre et leur idéal, par toutes les discussions qu'il eut avec eux, à la lueur des bougies. Revenu à Bucarest il raconta tout à Dragula­nesco. Celui-ci l'encouragea à retourner dans les monta­gnes.

Peu de gens savaient que c'est grâce à ce Dragulanesco, aujourd'hui fonctionnaire à l'ONT, que ce groupe fut dé­couvert.

L'enquête eut lieu à Sibiu; le spécialiste de la résis­tance était le Colonel Craciun. Par la suite ce Craciun fut nommé commandant à Aiud.

L'enquête fut très courte, mais on s'y attendait. L'ac­cusation était grave: organisation subversive ,terroriste, visant à renverser le gouvernement; en d'autres mots, haute trahison. La peine capitale fut prononcée contre Dabija et Nelu Robu. Il y eut 6 exécutions.

Robu eut sa peine commuée en travaux forcés à per­pétuité,  Maxime   qui l'avait aidé reçut 20 ans  de prison et Ionesco, qui avait prêté aussi son concours a reçu 10 ans de prison.

En  1950  Robu Ion passa par Jilava où je me trouais et me pria de faire connaître la trahison de Alexandru Dragulanesco et Paul Sava. Il était gravement malade et quelques années après il mourut. Sa mère âgée resta sans ressources. Dragulanescu et l'acteur Paul Sava continuè­rent leur sale besogne et s'il existe une justice immanente, Dragulanesco a été puni car son enfant est né avec une bosse.

Un autre traître dans ce mouvement de résistance fut le colonel Oniga.

*    *    *

Le mont Baisoara près de Iara a été un autre centre de résistance. Le chef était, paraît-il, un capitaine d'avia­tion, Diamandi. Ont participé à ce centre: Ilarie Nutu, Grigore Ilea, Ion Marcu, Teofil Cirbea, Nicodim Cirbea, Mihai Puiu, Ion Mihut. Leur but était surtout de punir les terroristes dans les villages. La commune de Baisoara fut déclarée commune anticommuniste pour 24 heures et les autorités arrêtées. Dans l'organisation que dirigeait Dabija et dont ont été arrêtées 200 personnes, hommes et femmes, il y avait un petit groupe intitulé «ligue des Motzi»(les Motzi sont les habitants des monts Apuseni) for­més par:

Campeanu Ion, chef de la section financière, Carje Ion docteur en droit, David Ioana arrêtée en état de gros­sesse, David Pamfil, paysan, David Teofil, étudiant en droit, Hadaran Ion de Viisoara, Lazar Alexandru, officier, Nicoara Ion, Pavel Gheorghe, de Turda, Popescu Ion, chef de la gare de Lupsa, Suroi Eugen, docteur à Lupsa, et d'au­tres encore.

Toutes ces personnes étaient accusées d'avoir col­laboré avec les résistants. Nombreux seront ceux qu'on rencontrera dans les colonies des travaux forcés au Canal de la Mort.

Pour intimider la population, la Sûreté changea de méthode . On passait   directement à l'exécution   sans   jugement préalable . . Par exemple dans la commune de Brazesti, près de Baia de Aries, Vasile Mester fut arrêté , fusillé et jeté au bord de la route. Deux autres paysans, Crisan et Abacioaiei, connurent le même sort. Dans leur haine démentielle les communistes tuèrent le père et le fils Gh. Ilea, détruisant encore une famille roumaine. Le vieux Mihai Cucu, paysan âgé de plus de 70 ans originaire de Ceanul Mare, après avoir été fusillé, resta pendant trois jours au bord de la route.

Ces Motzi, dont les ancêtres se sont soulevés au temps de Horia et de Avram Iancou et qui ont lutté pour la jus­tice, prenant part à l'unification de la Transylvanie, étaient tués maintenant par leur propres frères roumains au service de l'envahisseur russe. Quel triste sort!

 

***

Maintenant comme jadis quand le Roumain fuyait les hordes barbares, le massif des monts Fagaras dans sa beauté sauvage offrait abri et sécurité. Toute la nature fraternisait avec la souffrances du peuple roumain.

Le colonel Arsenesco était avec ses gars sur le versant Sud, tel un aimant il attirait vers lui tous les assoiffés de liberté. Les gens arrivaient par centaines . . . Pendant plus de trois ans la liberté y régna; chaque fois qu'il y avait des coups durs dans le village ils intervenaient.

Le mécontentement des paysans du département de Muscel était grand et le gouvernement essayait d'intimider la population par des brutalités. Le 27 mars 1948,1e lieute­nant Tericeanu de Rucar fit arrêter Gheorghe Suta. Au matin du 28 mars arriva un camion rempli de gens armés. Le lieutenant Tericeanu dit à Gheorghe Suta qu'il était libre. Gheorghe Suta était l'ancien maire, membre du PNP. Il avait combattu aux côtés de Ion Mihalache. Dès qu'il fut sorti dans la rue, il fut fauché par une salve de balles. Les assassins l'embarquèrent dans le camion et se deba-rassèrent de lui en le jetant dans la commune de Stâlpeni-Muscel.  Les témoins  reconnurent  parmi  les  assassins  le naior Dumitrache  qui  fut  exécuté  peu  de  temps après les communistes qui le supçonnaient d'avoir collaboré avec le colonel Arsenesco.

Le   lieutenant  Tericeanu   fut nommé  général  de  la Sûreté.           

Cet assassin a été a la base de 1 arrestation du groupe des résistants des montagnes de Fagaras. Leur mérite fut entre autres d'empêcher les communistes de contrain­dre les paysans des départements du Nord d'Arges, de Muscel et de Dâmbovitza , à adhérer aux kolkhoses. Au-iour'hui, la majorité de ces villages n'est pas collectivisée.

Parmi ceux qui participèrent au mouvement Arse­nesco—Arnautoiu, beaucoup se sont retrouvés dans les prisons roumaines. Je rappellerai ici ceux qui furent exé­cutés.

Arsenescu, lieutenant—colonel arrêté près de Câmpu—Lung et exécuté. La famille Arnautoiu d'Aninoasa massacrée. Arnautoiu Toma officier, exécuté. Arnautoiu Petre, agriculteur, exécuté; Arnautoiu Laurentia, leur mère, morte en 1960 en prison.

A un moment donné les frères Arnautoiu formèrent un groupe nommé «Nucsoara» auquel adhérèrent:

Andreescu, prêtre de la commune de Poienarei, exé­cuté; Constantinesco, prêtre de Corbsori exécuté; Marinescu, assassiné. Jibleanu, de la commune de Jiblea, lors­qu'il se vit encerclé par la Sûreté, il fit exploser une grena­de qu'il gardait pour ne pas tomber vivant entre leurs mains. Dragoi, paysan de Muscel, exécuté, Sorescu Eracle, berger qui ne faisait pas partie de l'organisation, mais son inter­vention en faveur des résistants lui coûta la vie.

Toujours dans les montagnes de Fagaras se trouvait aussi le groupe connu sous le nom de Duca Voda.

La Sûreté concentra    des forces     importantes dans région cherchant     à infiltrer ces   gens   dans tous les   coins ,   l'arme   à   la   main, en    uniforme   ou   sous des     déguisements  de bergers, touristes etc. De cette manière elle réussit à dépister les endroits les plus cachés où se réunissaient les résistants. Le colonel Arsenesco, dont le nom était devenu un mythe, faisait la loi dans ce coin, réussissant à semer l'épouvante parmi les communistes. Arnautoiu, les frères Pumichesco, Staicou et d'au­tres l'entouraient. Parallèlement à l'arrestation de ce groupe on arrêta tous ceux qui, dans les villages, étaient accusés d'avoir abrité ou nourri des personnes connues ou in­connues.

Nombreux furent ceux qui prirent la route des prisons et des camps d'extermination. Dans les prisons on parlait d'un officier Dimitriu, qui , resté tout seul, conti­nua le combat avec efficacité. Mais il finit par être encer­clé. La lutte fut acharnée. Comme il refusait toujours de se rendre, on se servit de ses parents comme otages en l'aver­tissant qu'il mettait leur vie en danger. Il continua à tirer jusqu'au dernier moment et pour éviter de tuer ses parents il se tira une balle dans la tête. On le trouva dans une marre de sang. Il n'avait pas épuisé toutes ses cartouches.

Du côté du versant Nord se trouvait un autre groupe de résistants dont le chef était l'ingénieur Gavrila. Ce groupe aidait les paysans des villages aussi souvent qu'il le pou­vait. Là eut lieu le même combat entre les persécuteurs et les persécutés jusqu'au jour où un traître vint proposer aux résistants un bateau pour se sauver à l'étranger. Les hommes arrivés à la limite de leur forces après tant d'années passées dans les montagnes, ne se méfiant pas, acceptèrent sans tenir compte de l'avertissement de l'in­génieur Gavrila qui leur avait dit de ne pas partir sans armes. Cela sentait le guet-apens. Ils partirent quand même et de Bucarest ils prirent la direction du littoral. A peine sortis de la capitale, des voitures de la Sûreté surgirent et leur barrèrent la route. Cette fois ils prirent la direc­tions des prisons. Plus de 8 000 Roumains furent arrêtés dans cette région.

Dans les montagnes de Retezat, un autre noyau de  résistance   s'était   formé,   dirigé   par   l'ingénieur   Caragea.  En faisaient partie de nombreux habitants de la commune de Pui, département de Hunedoara. En 1949 des enquêtes eurent Heu à Deva, menées par Bolog qui essayait de trouver fois de nouvelles méthodes de torture. La Sûreté . Deva arrêta pendant  cette  période  25  personnes  de l'usine   d'armement   de   Cugir   qu'elle   voulait impliquer, n les accusant d'avoir procuré des munitions aux résis­tants des montagnes de Fagaras et de Muntele Mare. Le 6 janvier 1949, jour de Epiphanie,: fut arrêté un ouvrier, Rosu Nicusor. Avant de l'emmener à la Sûreté , on le déshabilla et on l'aspergea de trois seau d'eau. Il ne s'en remit jamais.   Arrivé   à  Deva,   le  bourreau   Bologa ordonna que cet   homme ne soit plus torturé. Quel sentiment humanitaire!

Plus de 20 ouvriers des usines de Hunedoara furent arrêtés dans la même période comme faisant partie du PNP.

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Dans les montagnes de Maramures le berger Dancu créa une organisation de résistance pour punir ceux qui terrorisaient les villageois. Il combattit les agents de la Sûreté mais ne tua jamais personne. Il fut livré à la Sûreté par un prêtre chez qui il était allé se confesser.

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Dans la région de Vrancea les mouvements de protes­tation de la population aboutirent à l'arrestation du maire et des communistes de la commune de Neruja. Une nuit, alors que des rumeurs circulaient sur l'arrivée imminente des Américains, les villageois passèrent à l'action. Ils arrê­tèrent et emmenèrent à la mairie tous les oppresseurs au service des communistes. Au bal qui avait lieu la même

nuit tous ceux qui avaient des carnets rouges furent obli­gés de les avaler.

Le lendemain, s'apercevant que c'était une fausse alerte, les responsables de ce «putch» populaire prirent le chemin des montagnes et avec eux, d'autres Roumains qui ne pouvaient plus supporter le joug. La Sûreté partie à leur trace, arrêta en même temps ceux qui étaient sus­pectés d'aider les partisans. Les femmes furent frappées sur les seins et sauvagement torturées.

Le nombre des personnes arrêtées dans cette région s'élève à plus de 5.000. Parmi eux j'ai retenu le nom de:

Burliu Niculita de Neruja;

Militaru Ionel, du village de Motnau, ancien prisonnier de Russie;

Ghitza Militaru ;

Stoica et Dudu de Neruja;

La famille Coucou, dont le père et deux des fils furent tués à la Sûreté au cours de l'interrogatoire.

Le prêtre Hulea, pour avoir confessé des partisans sans les dénoncer.

 

DOBROUDJA SOUS LA REPRESSION

La Dobroudja, cette très ancienne province a connu depuis l'instauration du régime communiste une terreur atroce. Il y avait là beaucoup de paysans ouvriers qui pos­sédaient des terres. Le terrain était aride, le travail pé­nible, mais l'ardeur n'y manquait pas. Il y avait aussi les Macédo-Roumains qui élevaient des moutons dont la vian­de, le fromage et la laine étaient renommés. Dans cette région la terreur communiste fut déclenchée au début par Dusa et Vasile Vâlco, ce dernier ne pouvant s'affir­mer dans son métier. C'était un tailleur minable, qui voulait montrer ce dont il était capable en qualité de politi­cien. Dusa et Vâlco furent secondés par Doicaru, nommé chef de la Sécurité et Nicolae Ceausesco, chargé de poursui­vre sans relâche la collectivisation de la première région du pays. Le résultat de tout cela? Des larmes coulèrent, du sang fut versé. On nommait maire le dernier vaurien du village. Les gendarmes avaient tous les pouvoirs. Un seul refuge ici comme ailleurs: la forêt. Il y avait parmi ces partisans beaucoup de Macédo-Roumains. La forêt bien connue de Babadag encerclée par l'armée, résista vaillamment mais finit par tomber, paraît-il, à la suite d'une ruse. J'appris par la suite, en prison, qu'il y avait là un centre bien organisé.

Parmi ceux qui avaient organisé la résistance on parlait d' un certain Puiu. Après que l'on eut étouffé le mouvement de Babadag, les villages furent collectivisés de force. A ceux qui s'opposaient, on leur prenait tout ce qu'ils possédaient dans leur maison, et leur ferme.

Le système de répression fut organisé par la Sécurité de Constantza, dont le chef était Doicaru, aidé par d'au­tres bourreaux. J'ai retenu quelques noms: le capitaine Dan, un tzigane d'Ovidiu, qui avait la satisfaction de frapper avec un poing auquel il manquait un doigt. Panait, officier de Ciocârlia. Botea, adjudant dont on disait qu'il avait été dans les brigades d'Espagne et qu'il aimait torturer. Fi­nalement on découvrit qu'il avait été agent de la Sécurité sous Morusof; il fut mis à la porte. Mihaila, sous-officier, aimait aussi cogner. Sula, adjudant, un peu bête, grand et agressif, pareil à Brânzaru qui travaillait à la prison du Ministère de l'Intérieur. Codin, adjudant, ancien docker au port.

 

Tous ces gens arrêtés par la Sécurité furent dirigés vers les soi-disant tribunaux transformés en vraies industries. Parmi les nombreux présidents  qui  distribuèrent des peines de prison dictées par la Sécurité il y avait le président Pavelesco et la major Lazar. D'après les chiffres non officiels, on dit que le tribunal de Constantza a pro­noncé plus de 25.000 condamnations entre 1947 et 1953. La Dobroudja eut en outre ses condamnés administratifs, qui recevaient directement de la Sûreté les sentences sans la confirmation du tribunal.

Tout le monde pouvait être arrêté, enfants, vieillards, hommes, femmes; le nombre était illimité; vivants ou morts, il fallait absolument que la Dobroudja se soumette, c'é­tait l'ordre de la Sûreté.

Je commencerai la liste de ces arrestations par un enfant: Craiu Nicolae, 15 ans, arrêté en 1949 pour avoir franchi la frontière; personne ne se gênait de le cogner. Il était originaire d'Ovidiu.

Le deux frères Puiu de Kogalniceanu, dont l'un d'eux fit   exploser une grenade  au moment de son arrestation.

Topârceanu, paysan de la commune de Târgsor, condamné à 25 ans de prison, où il mourut.

Paisan, de Casimcea, fit aussi de la prison, quoique l'on ait dit de lui qu'il était un mouchard.

Jornea Dobrin de Viisoara, mort en prison.

Dragomir, paysan de Ciocârlia, dit-on.

Ion Filip, instituteur, mort en prison.

Major Teodoresco.

Luizi Cristodulo, pharmacien, de Slobozia.

Dumitresco   Mitica   de   Murfatlar,   commandant   du yacht royal.

Gabrilesco, Apostolesco et Misu, officiers, tous con­damnés pour avoir franchi la frontière.

Vasile Hodorog, paysan d'Ovidiu, ancien maire sous les libéraux, un Roumain de caractère irréprochable.

Quatre frères de la commune de Pantelimonul de Jos,  tous  condamnés  aux  travaux du Canal de la Mort:

Vâlco Grigore, mort en prison.

Vâlco Petrea mort à la colonie du  " 9  Stâncâ" .

Vâlco Nicolae et Valco Coman.

Un groupe de 15 personnes dont les chefs étaient: l'avocat Aslan et Asandei de Tulcea.

Un autre groupe conduit par Mitran.

Ion Mico, professeur de latin à Constantza.

Enache et Gica Sasu,

Ainsi que beaucoup d'autres dont les noms seront mentionnés ultérieurement.

En 1957, à la prison d'Aiud, on vint chercher au cours d'une nuit 60 détenus de l'organisation de Babadag pour les emmener, chaînes aux pieds, on ne sait où. Selon les rumeurs, ils furent exécutés dans une forêt de Banat. C'était probablement vrai, car cela se passait après les évènements de Hongrie qui provoquèrent quelques remous parmi les étudiants de Timisoara et de Bucarest, d'où une vague d'arrestations. Les communistes cherchaient à effrayer par tous les moyens l'opinion publique.